Sortie de nouvel album L'Express, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 6 août 2007.

Renaud d'enfer

Tout en coups de gueule et en déclarations d'amour, le chanteur n'a finalement rien perdu de sa verve d'antan. Pour L'Express, il revient sur 4 de ses 24 nouvelles chansons. Décryptage

Il est en pleine forme. Amoureux. Heureux. Teigneux. C'est le Renaud nouveau, jeune papa de 54 ans. Son dernier album, Rouge Sang, agace tout autant que le précédent, Boucan d'enfer (2002), dans lequel il confiait - trop, au goût de certains - son mal de vivre et son alcoolisme. A quelques semaines de la sortie du cédé, le chanteur «énervant» provoquait déjà la polémique avec Elle est facho. Dans Rouge Sang, disque de l'amour et de l'amer, Renaud parle des sentiments qu'il porte à son épouse, la chanteuse Romane Serda, et de la colère qui monte en lui en regardant le monde d'aujourd'hui. Pour L'Express, il décrypte 4 de ses 24 nouvelles chansons, en enfilant son sixième café de la matinée, une main sur son ordinateur portable, qui ne le quitte jamais.

Rouge Sang

Entre ce sang qui coule

Sur le sable de l‘arène

Et fait vibrer la foule

Barbare, inhumaine (...)

Et puis le sang versé

Hier à Tienanmen

Qui a éclaboussé

Vos mémoires et la mienne

Comme une étrange ressemblance

Même douleur, même peine

Comme une étrange ressemblance

Même couleur, d‘où qu‘elle vienne.

«Le rouge symbolise la violence de l'homme. C'est le rouge de ce monde. Celui de la révolte, du coeur qui bat, du coeur qui saigne. Le sang renvoie au sang humain mais aussi animal, qui coule partout sur le globe. Car Rouge Sang parle autant des étudiants de Tienanmen ou des enfants de Birmanie que des taureaux, des baleines, des ours, même s'il existe, bien sûr, une hiérarchie de la souffrance. Durant mes années noires, déprimé comme je l'étais, j'avais du mal à chanter le monde, à dénoncer les faiblesses. Du coup, on m'a reproché de m'être éloigné du temps où je montais sur les barricades. J'ai retrouvé ma plume. Elle peut encore se montrer assassine pour exprimer mes colères.»

Nos vieux

Au moment pourtant des adieux

Le coeur est douloureux

Plein d‘amour pour

ces gens si précieux

Qu‘on appelle «nos vieux»

M‘arrive même, quand je suis loin d‘eux

De prier le Bon Dieu

Ce grand mystère planqué dans les cieux

Des gens malheureux.

«Les très belles notes de Jean-Pierre Bucolo m'ont inspiré ces mots que j'avais envie d'écrire depuis vingt ans. C'est une chanson d'amour pour mon père et ma mère. J'espère toucher les grands enfants quinquagénaires qui, comme moi, n'osent pas dire "je vous aime à leurs parents. Je voulais exprimer à mon père ma gratitude de m'avoir fait découvrir la poésie et la musique. Hélas ! il est décédé le jour où j'ai reçu l'album terminé. Nos vieux est un texte avec uniquement des rimes en "e et en "eux. C'est l'une de mes deux nouvelles chansons préférées, avec Elsa, qui parle - et là avec seulement des rimes en "a - du suicide des adolescents. Je l'ai écrite d'une traite, la guitare sur les genoux. Comme En cloque, Mistral gagnant et quelques autres venues des tripes.»

Sentimentale mon cul !

Putain de foule anonyme

Majorité mal-pensante

Troupeau de boeufs qui n‘exprime

Qu‘une pensée dégoulinante (..)

Sentimentale mon cul

Ces foules qui défilent

En bramant de ces slogans vengeurs

Qui envahit nos rues

Multitude débile

Milliers de poitrines

Un seul coeur.

«C'est, bien sûr, une réponse à Foule sentimentale, la chanson la plus belle et la plus drôle de ces vingt dernières années. J'adore Alain Souchon, mais je voulais quand même me moquer de son amour de la foule, fût-elle sentimentale. Et, surtout, en prendre le contre-pied. La foule est souvent porteuse de violence, de haine, de colère irraisonnée. J'ai failli me faire lyncher au Stade-Vélodrome, à Marseille, parce que l'OM avait perdu contre le PSG et que j'étais Renaud le parigot. On a aussi vu des masses défiler derrière des drapeaux noirs, nazis, tricolores... Je suis donc partagé entre mon désir de participer aux liesses que sont les révolutions ou les rencontres de foot et le "vivons heureux, vivons cachés''. La pirouette finale du texte dit que la foule de mes concerts, même si elle est parfois manipulable et suiviste, ne me procure que du bonheur.»

Je m'appelle Galilée

Je m‘attarde longuement

sur ces courbes splendides

Qu‘il y a près de trente ans

un big bang fit naître

Effleur‘ le velours de tes seins

de cariatide

De cette Voie lactée

où ma bouche furète.

«Ou quand Renard fait son Gainsbarre. Romane a été à la fois touchée par ce bel hommage et infiniment gênée par le thème évoqué. Comme Brassens, j'adore la chanson paillarde. Un jour, j'enregistrerai un album de corps de garde. Galilée est une chanson légèrement érotique sur un sujet tabou la sodomie très peu traité en chanson et que je pense avoir abordé avec tendresse, humour, audace et un côté coquin. Mon puritanisme a été balayé par mon désir de célébrer les rondeurs callipyges de mon épouse. C'est un hommage à la beauté, aux pratiques amoureuses, "conformes" ou non. Que la Bible réprouve. Mais on s'en fout...»

Rouge Sang (Virgin). A Bercy (Paris XIIe), du 27 au 29 mars 2007. Et en tournée. A lire: Tatatssin. Parole de Renaud!, par Baptiste Vignol. Tournon, 176 p., 17 €. Les Manuscrits de Renaud. Textuel, 352 p., 54 € (parution le 19 octobre).

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