Sortie de nouvel album La Gruyère, le par ch.
Mis en ligne dans le kiosque le 6 octobre 2006.

Retour du chanteur énervant

L'album de son retour, «Boucan d'enfer», avait raflé trois Victoires de la musique en 2003 et lui avait permis de connaître son plus grand succès commercial. Renaud était-il devenu consensuel? Pas tout à fait: avec «Rouge sang», il redevient le «chanteur énervant». L'album distille colères et chansons d'amour pour la nouvelle femme de sa vie. Et Renaud ne plaît plus à tout le monde...

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Avec un Rouge sang plus engagé, Renaud signe la deuxième étape de son retour

Il y a quelque chose de rassurant dans les réactions qui accompagnent la sortie de ce nouvel album de Renaud. Rassurant de voir qu'il déplaît toujours à certains... En 2002, son retour avec Boucan d'enfer, après une rupture et quelques années d'alcool, semblait en effet ravir tout le monde, même ceux qui l'avaient dégommé depuis des années. L'album était même récompensé l'année suivante par trois Victoires de la musique et devenait son plus grand succès commercial. Changement de décor avec Rouge sang, qui marque, cette fois, le retour de celui qui s'était autoproclamé «chanteur énervant». Ces derniers jours, à lire certaines mises en pièces, on se croirait presque revenu dans les années 1980. A l'époque où Libération, qui a toujours détesté Renaud, le massacrait en titrant «Séchan séché», alors qu'il venait de sortir son meilleur album (Mistral gagnant). Aujourd'hui, on retrouve les mêmes reproches: fils de petits-bourgeois qui chante les prolos, populo de pacotille, chansons d'amour mielleuses, révoltes bien-pensantes et si faciles... En 1980, déjà, Renaud répondait à la hargne de cette presse qui ne supporte pas qu'il soit si peu intello et tellement populaire avec Où c'est que j'ai mis mon flingue? (un coup de colère qu'il disait parfois regretter): «Tous ceux qui me traitent de démago dans leurs torchons qu'j'lirai jamais, ``Renaud c'est mort, il est récupéré''». Avant de préciser: «T't' façon, j'chante pas pour ces blaireaux...»

Don d'observation

C'est ce Renaud-là qui revient, dans un album qui, sur bien des aspects, ressemble à ceux des années 1980. Rouge sang contient d'ailleurs J'ai retrouvé mon flingue, où Renaud distribue ses colères de tous côtés, sur un ton qui rappelle surtout Fatigué (1985): les «putains d'églises à la con», «George Bush et ses chiens de guerre», la loi du plus fort, le nucléaire, l'injustice, la misère et l'ensemble de notre époque qui est «télé-merdique». Ailleurs, c'est la corrida qu'il fustige ou les foules anonymes (Sentimentale mon cul!), tout en espérant: «Pourvu qu'elle soit toujours là, dans ma tournée prochaine, ma foule sentimentale à moi.» D'accord, tout cela sonne assez cliché et révolte adolescente. Ce qu'on ne peut lui enlever, en revanche, c'est son don d'observation: Les bobos, qui tournent depuis quelque temps sur les ondes, touchent juste en visant cette «nouvelle classe», qui écoute Bashung et Manset, aime les restaurants japonais, fréquente les musées et les vieux bistrots... Et Renaud est assez malin pour se glisser dans le lot. De même, Elle est facho fait mouche en dressant ce portrait d'une «triste dame», qui «vote Sarko». La rime Sarko-facho a d'ailleurs fait grincer quelques dents dans l'Hexagone. Et Renaud de lui souhaiter un fils qui lui dise un jour: «J'suis amoureux d'une musulmane, j'vote écolo et j'fume de l'herbe»...

Retour réjouissant

Comme presque tous ses albums, Rouge sang alterne chansons de révolte et d'amour. Ici, c'est la nouvelle femme de sa vie, Romane Serda, qui a droit aux hommages du chanteur. Sur le ton humoristique (Danser à Rome), lyrico-lourdingue (Je m'appelle Galilée) ou simplement tendre (RS & RS, Jusqu'à la fin du monde...). Ou alors, il la défend, elle et toutes celles qui ont sa couleur de cheveux: «Blonde comme le blé en gerbe, elle a inventé l'eau tiède et vous emmerde.» Ailleurs, c'est son fils qui, à son tour, a droit à sa chanson (Malone). Vingt ans après Lolita, qui ne reste pas bien loin: dans un très beau Adieu l'enfance, Renaud regrette «l'insouciance de tes dix ans, qui ne reviendront plus». A part ça, Renaud chante toujours aussi mal (lui-même ironise sur sa voix «pourrie») et convainc toujours aussi peu quand il s'essaie au rock FM (Arrêter la clope). Il signe des ballades touchantes (Les cinq sens, Elsa...) mais son fidèle guitariste Jean-Pierre «Titi» Bucolo (celui de La mère à Titi) confirme qu'il est un piètre arrangeur. Et qu'importe! Alors qu'il y a quelques années, la tournée «Une guitare, un piano... et Renaud» le montrait au fond de nulle part, usé, fini, il signe avec Rouge sang la deuxième étape d'un retour réjouissant. Le revoici avec ses combats de toujours, parfois naïfs ou maladroits. Comme au bon vieux temps.

Renaud, Rouge sang, Virgin / EMI

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