Laisse pas béton, Renaud
Un documentaire sur Renaud, le "chanteur énervé", sera diffusé lundi soir sur France 3. Hommage rendu par une pléiade d’artistes.
Le 11 mai, il fêtera son 63e anniversaire. La célébration devrait être assez modeste, tant le "chanteur énervé et énervant" connaît ces dernières années une longue traversée du désert. En panne d'inspiration, rongé par ses vieux démons (l'alcool, le deuil impossible de l'enfance…), Renaud vit reclus dans sa villa de l'Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse. Il n'a plus enregistré de nouvelles chansons depuis Rouge Sang (2006), son dernier disque écoulé à 700 000 exemplaires. Silence radio, même s'il a toutefois enregistré l'année dernière une chanson caritative en faveur des victimes d'Ebola. On a pu également le voir battre le pavé lors de la manifestation du 11 janvier suite aux attentats contre Charlie.
L'"ange aux pieds d'argile"
Pour cet anniversaire, France 3 propose un documentaire-hommage signé Didier Varrod. Le journaliste et producteur connaît son sujet. Il avait réalisé en 2002 un portrait remarquable et définitif (Renaud, le rouge et le noir)* de cet anar qui se livrait sans détour sur sa carrière, sa vie, son œuvre, ses engagements et ses paradoxes. Difficile de faire mieux, d'autant que cette fois Renaud a refusé de se prêter au jeu. "Je t'ai déjà tout dit, ça suffit comme ça", a-t-il ainsi balancé à Didier Varrod, tout en lui donnant sa bénédiction pour le projet "avec sa bienveillance lointaine mais présente", assure le journaliste. Renaud aime être aimé, il en a besoin, surtout en ce moment. Et il a été, selon le journaliste très "ému" par cet hommage choral.
"Vous m'avez fait un très beau cadeau, je vais passer un bon anniversaire", a déclaré le chanteur après avoir visionné le documentaire, forcément hagiographique, même s'il pointe la complexité du personnage avec pertinence. Face caméra, une pléiade d'artistes se succèdent pour saluer "l'ange aux pieds d'argile". Vincent Delerm, Raphael, Grand Corps malade, les rappeurs Disiz La Peste et Oxmo Puccino, Nolwen Leroy, Olivia Ruiz, Patrick Bruel, la jeune Louane révélée dans La Famille Bélier… Si certains témoignages n'évitent pas les propos consensuels (mention spéciale pour Élodie Frégé), tous rappellent l'influence déterminante du chanteur, la modernité de son écriture, la puissance de son répertoire, la constance de ses combats : "J'appartiens à la génération Renaud, déclare Nicola Sirkis du groupe Indochine. C'est mon Brel, mon Brassens à moi".
Illustré par les dessins de Marc Large (un ami de Renaud), sous la plume sensible de Didier Varrod, le doc alterne archives rares et témoignages au présent. Quand ils ne parlent pas, certains chantent ses classiques, d'autres les lisent a cappella pour mieux souligner la force de sa prose intemporelle. Tous se retrouvent dans les multiples facettes du personnage. "Le Renaud tendre", qui chante l'enfance évanouie, sa gonzesse "en cloque", s'émerveille de voir sa fille grandir. "Le Renaud anar" hautement subversif avec ses brûlots comme Hexagone, sorti en pleine France giscardienne. "Aujourd'hui, elle ne pourrait pas sortir", assure Bruel. "Il aime la France, tout en n'arrêtant jamais de la fustiger et de cogner dessus", souligne Mazarine Pingeot. La fille de François Mitterrand rappelle que son père "aimait beaucoup Renaud, à la fois humainement et musicalement".
L'"anarcho-mitterrandiste"
Une affection réciproque. Le chanteur considérait le président socialiste comme "un grand homme, un sage", même s'il fut critique sur son bilan. Peu avare de paradoxes, il se décrivait, non sans humour, comme "anarcho-mitterrandiste". "Il était une réunion de contradictions et c'est sans doute pourquoi il était aussi profond", poursuit Olivia Ruiz. Écorché vif, généreux et malicieux aussi, comme le montre cette vidéo superbe filmée lors d'une soirée slam organisée par Grand Corps malade dans un café de Saint-Denis en 2007. On y voit Renaud lire sur un bout de papier chiffonné tenu d'une main tremblotante un petit hommage sans complaisance et joliment vachard sur cette nouvelle poésie urbaine. Un Renaud que tous espèrent revoir bientôt…
- * Renaud, le rouge et le noir, mardi, à 23.10, W9.