Sortie de nouvel album Le Monde, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 2 octobre 2006.

Un nouvel album dont la verve tourne à vide

En 2002, l'album Boucan d'enfer formait un exercice d'auto-apitoiement (divorce, déprime, pastaga, etc.). L'argumentaire du nouveau disque de Renaud, Rouge sang, dans les bacs lundi 2 octobre, opte pour le parti inverse : requinqué par l'amour, le "chanteur énervant" aurait retrouvé toute sa verve antisociale pour tirer à nouveau à boulets rouges ("J'ai retrouvé mon flingue", assure-t-il) sur ses cibles historiques : les "salauds" et les "blaireaux".

Mais aussi Les Bobos. Impossible d'échapper à ce premier extrait, appât matraqué par les radios depuis l'été. En sortant de son repaire de La Closerie des lilas, Renaud Séchan a donc pris connaissance de cette espèce (déjà en voie de disparition), les "bourgeois bohèmes". Il aurait pu aussi bien écrire une chanson sur les zazous. Donc, selon la méthode du "name-dropping", Philippe Djian rime ici avec Cioran et Télérama avec le catalogue Ikea. Cette litanie paresseuse de poncifs kidnappant au passage les disparus ("Ils aiment Desproges sans même savoir que Desproges les détestait") est à peine rattrapée par l'autodérision finale ("Par certains côtés j'imagine que j'fais aussi partie du lot/des bobos").

Un peu en retard pour humer l'air du temps, le quinquagénaire se penche, après ses confrères Sanseverino et Bertrand Louis, sur l'addiction tabagique (Arrêter la clope) et décoche une flèche contre une "Marine Le Pen de banlieue", "la facho qui vote Sarko", rime pauvre qui a provoqué quelque émoi parmi les sympathisants du patron de l'UMP. On relève encore une saillie contre la tauromachie (Rouge sang) mêlant les massacres d'animaux à ceux d'enfants et une charge contre "l'Amérique du grand capital" et les religions (J'ai retrouvé mon flingue).

Voilà pour les coups de gueule, qui cohabitent avec une ode à une paysannerie moyenâgeuse (Pas de dimanche) et des bluettes liées à la nouvelle situation - maritale et parentale - de l'intéressé, qui consacre pas moins de six titres à son amour, la chanteuse Romane (de toi) Serda.

Misanthrope, réac de gauche, Renaud semble avoir perdu tout sens de l'humour, ce qui rend Rouge sang déplaisant, à l'image de cette voix chevrotante. La musique oscille entre un rock balourd à l'américaine et, pour les moments tendres, des accompagnements dignes des émissions de son ami Pascal Sevran. L'objet renferme toutefois une réussite : les illustrations du livret, signées Killofer.

Rouge sang, de Renaud, 1 CD Virgin (une édition limitée est aussi annoncée, avec sept titres supplémentaires). A paraître le 2 octobre.

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