Sortie de nouvel album Le Vif, l'express, le par be.
Mis en ligne dans le kiosque le 21 novembre 2009.

Renaud chante mal, atrocement mal

En prenant à bras-le-corps ses amours celtes dans Balade irlandaise, Renaud réalise un vieux fantasme. Dommage que sa voix déraillante ne satisfasse pas le nôtre.

left Lorsqu'il enregistre son album Boucan d'enfer aux studios ixellois de l'ICP en 2000-2002, Renaud est dans un sale état sentimental. Forcément aggravé par un alcoolisme en roue libre: une bouteille de Suze dès le matin, une de Ricard pour finir la journée. Si les sessions d'enregistrement sont si longues, c'est aussi parce que Renaud n'a pas seulement perdu ses illusions en route, il a également égaré une bonne partie de sa voix. D'où d'interminables séances pour redonner au larynx fatigué un semblant de tonus et de justesse. Vive le Pro Tools. Non pas que ces divers épisodes pénibles freinent le moins du monde la vente de Boucan! Celle-ci, boostée par le superbe duo Manhattan-Kaboul, atteint le chiffre astronomique de 2.200.000 exemplaires.

Avec l'album suivant paru en 2006, Rouge sang, un "nouveau" Renaud, moins assoiffé, nouvellement marié et chantant Les Bobos, ne réalise qu'un tiers des ventes précédentes. Et il n'est pas sûr que la nouvelle Balade irlandaise enraie la dégringolade des chiffres.

A défaut d'être originale (il a déjà enregistré un titre du genre en 1991), l'idée de partir en Irlande débusquer des standards du répertoire celtique peut être revigorante. Pays de la mélancolie et de la fête absolues, nourri par ses propres déchirements (l'exil obligé en Amérique, l'interminable guerre civile), l'Irlande est un véritable puits d'histoires mises en chansons. Renaud y a donc puisé treize titres, les a traduits ou adaptés en français, et y a croisé ses thèmes de prédilection: la nécessaire fierté du monde ouvrier (Belfast Mill), les rêves spacieux des mineurs (Adieu à Rhondda), la famille courageuse dans la misère (Incendie), ou encore la violence absurde de la guerre (Willy McBride).

Aucune force

Le tout est produit par l'Ecossais Thomas Davidson et l'Irlandais Pete Briquette, ancien complice de Bob Geldof au sein des Boomtown Rats. Le son ne s'écarte d'ailleurs pas un instant d'une jolie carte postale, verte et pluvieuse, où les pipes locales vont taquiner le violon alors que spleen et Guinness passent à la troisième mi-temps.

On a déjà compris que le problème ne vient pas du son du disque, ni aventureux, ni médiocre, mais de l'interprétation du chanteur. Dès les premières mesures du premier titre, le constat est implacable: Renaud chante mal, atrocement mal. Aucune force, aucune constante, aucune harmonie; à certains moments, c'est proprement insupportable (La Fille de Cavan). Le pompon est sans doute atteint dans Dubliners, hommage rendu au fabuleux groupe irlandais fondé en 1962: Renaud est totalement incapable de suivre la ligne mélodique du morceau, déraillant dans les bas-côtés comme rarement entendu dans un enregistrement "professionnel".

On sait depuis toujours que le "chanteur énervant" n'a rien d'un grand interprète, mais là il a très certainement atteint son point vocal le plus bas. Difficile dans ces conditions d'apprécier un tant soit peu l'atmosphère de cette très bancale Balade irlandaise...

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