Renaud, rocailleux mais généreux

Ils auraient pu se rencontrer bien plus tôt, ces deux phénix toujours debout depuis des décennies. Mais entre Renaud et la Foire aux vins, c’était hier la première : après dix ans d’enfer sans boucan, le rebelle au bandana rouge est revenu sur scène, et l’attente était particulièrement forte à Colmar.

Son nom est scandé à pleins poumons comme celui d’une star de foot, mais c’est un sexagénaire tremblotant qui apparaît sous l’ovation. La voix n’est guère plus assurée : « Vous allez devoir supporter ma voix rocailleuse, caverneuse comme disent aussi les journaleux… Mais vous n’êtes pas venu écouter Céline Dion, et je donne tout ce que j’ai ! » lance la « chetron sauvage » en faisant chavirer la foule. Les plus de 7 000 fans de 7 à 77 ans ne lui en tiennent pas rigueur, et souvent prennent le relais, en chœur. Même J’ai embrassé un flic , écrite après les attentats de 2015 par l’ex-antiflic, ne calme ni les ardeurs ni les cordes vocales de ceux qui n’ont pas abandonné le chanteur énervé parce qu’ils le trouvaient trop énervant. Le poète de l’argot n’est pas là pour plaire à tout le monde, son T-shirt «Yvan Colonna otage de la raison d’État » le rappelle à qui oublierait que Docteur Renaud est aussi Mister Renard.

Toujours vivant , le chanteur toujours populaire, quoique moins contestataire, donne tout et même plus : il invite les enfants à franchir les grilles pour se trouver à quelques mètres de lui, et jette ses pépites, l’or de quarante ans de carrière qui met en fièvre la coquille : En cloque , Marche à l’ombre , Manu , Morgane de toi et Mistral Gagnant qui serait la chanson préférée des Français. « C’est très exagéré » , assure Séchan, que le vent inspire presque autant que les bourrasques d’amour que le public lui souffle…

par Jean-Frédéric Surdey

DNA / l’Alsace du 31/07/2017