Inédit

Renaud, ma mère et moi

Auteur Emmanuelle Joanin
Editeur Le Manuscrit Eds
Date de parution 13/01/2010

Dans un style à la fois drôle et touchant, Renaud, ma mère et moi décrit le quotidien d’une jeune fille nommée Manureva. Son regard plein de contradictions sur sa famille et son enfance nous éclaire sur les désordres de l’adolescence. Au rythme des chansons de Renaud, l’auteur évoque avec une grande fraicheur une quête d’identité que tout le monde a un jour traversée. Profondément inscrit dans le contexte des années Mitterrand, ce récit est également celui d’une génération soumise à une époque de bouleversements. Emmanuelle Joanin enseigne l’économie à Marseille. Dans ce premier roman, elle revient sur sa jeunesse pour nous offrir une réflexion universelle sur l’adolescence.

SUR LE CHEMIN DE RENAUD

Ecrit entre novembre 94 et mai 95 à Valenciennes
par Sébastien Inion
“On va sur le chemin de Renaud, comme sur les chemins de la vie buissonnière, par envie, par goût de la liberté et aussi pour piquer quelques fruits et faire des bisous aux jolies filles… Renaud soigne les âmes malades, mélancoliques, avec son écriture . Ce livre en fait une étude afin de revenir à l’essence même de ce qu’il est : un auteur remarquable. Loin des explications universitaires, il a pour ambition ( et quelle ambition ? ) d’ouvrir des portes, d’autres portes pour que tous ceux qui l’aiment, le découvrent davantage et l’aime encore mieux.”

Chronique de Sébastien à propos de l’album “Boucan d’enfer”

Il est des bonheurs rares, si rares qu’on redoute qu’ils ne reviennent jamais. Un peu comme un amour d’été que l’on doit quitter, toujours trop tôt, le regard bas, sous un soleil indiscret. On fait mine de se rendre à la raison et l’on fixe des rendez-vous. On se rassure…en massacrant le ciel bleu. Se rendre à la raison ! Alors qu’on ne va nulle part, puisque seul compte le retour.

Et puis ce bonheur revient parfois après quelques années, toujours au printemps, en cette saison des promesses, des résurgences.

Le renard – animal crépusculaire et nocturne ; solitaire en dehors de la période de reproduction – est sorti de son terrier. Nous avait bien rendu quelques visites et livré deux cadeaux avant l’heure : ‘Elle a vu le loup’, ‘Boucan d’enfer’ . Tournée où 250 000 spectateurs, son public fidèle, lui a apporté son indéfectible amour.

Mais le voici, le pelage encore plus vif à l’orée du bois, faisant entendre son ‘Boucan d’enfer’, bouleversant son mode de vie pour venir à notre rencontre : nous ses minots. Pas que d’la ruse dans sa musette – a-t-il besoin de ça pour gober un bon from’ton  ? – mais des cadeaux, des galettes, des boulets pour l’hiver.

Renaud a repris sa plume, Renard sortit sa griffe. Tous deux au même encrier ont mis la main à la patte…

« On reconnaît le bonheur paraît-il / Au bruit qu’il fait quand il s’en va » et le talent au gouffre immense qu’il comble quand il revient… Les quatorze nouvelles chansons de cet album ont poussé – n’en doutez pas – dans le terreau de l’âme humaine, humus étrange où se sont engouffrées quelques racines profondes qui nous plongent au cœur de cet homme, qui boit l’eau des orages mais parfois aussi les larmes amères des cieux trop lourds. Quatorze nouveaux trésors de plus, dans sa caverne d’Ali baba qu’il partage avec nous. Et si comme le dit René Fallet : « les heures passées au bord de l’eau sont à déduire de celles passées au paradis… » celles consacrées à écouter Renaud le sont aussi. Car le temps ne fait rien à l’affaire, Renaud une fois encore trouve les mots, les formules, les scènes à dépeindre, les clefs qui ouvrent les bonnes portes, celles réservées comme dans son ‘bistrot préféré’ aux poètes. Une plume toujours aussi littéraire qui frotte les moustaches de Georges Brassens et laisse Sarclo admiratif, fait de lui un orfèvre de la langue française et de nous, des enfants avec son soleil en bandoulière.

Pas trop envie de passer en revue les quatorze chansons de l’album comme une troupe avant un défilé. Pas envie non plus de déblatérer sur chacun de ces trésors, de forcer le coffre, de les décortiquer comme du poulet. Respect… D’autres et non des moindres, des professionnels, s’en chargeront. Mais le moment est trop rare et trop fort pour rester silencieux. Quelques impressions, le doigt sur la touche <STOP> du lecteur, la gorge nouée et les yeux bien troubles. Ne pas tout écouter aujourd’hui, en garder un peu… Et puis merde ! <PLAY> J’en reprends ça fait tellement de bien. Alors allons y ! Attendez ! Juste quelques noms pour ne pas oublier : Dominique, Lolita, Jean-Pierre Bucolo, Alain Lanty.

‘Petit pédé’ comme un catalyseur, issu d’un pari de pochtron et qui donne à l’arrivée, en quelques minutes, un petit chef d’œuvre. Croqué avec des mots made in Renaud : « Il fait pas bon être pédé / Quand t’es entouré d’enculés ». Facture inimitable pour dépeindre l’univers de cette minorité souvent méprisée et ridiculisée. On comprend alors qu’il n’ait pas eu envie de s’arrêter là. Et puis garder autant de chansons au fond de soi ça donne parfois des aigreurs d’estomac. Par pudeur sans doute il a hésité à se raconter plus qu’il ne la jamais fait.

A l’arrivée un album confession où le ‘cœur perdu’ témoigne du désespoir, d’une traversée lente, discrète autant que douloureuse, bruyante de l’intérieur comme un volcan d’enfer. Ecrire le silence n’est pas chose évidente… ‘Tout arrêter…’ alors ? Ce serait oublier son regard profond, son acuité féroce et sa farouche tendance à toujours être où on ne l’attend plus. « Renaud est mort, il est récupéré ! » gueulaient certains pendant les années noires. Mais Renaud est vivant et debout ou plus exactement assis dans un bar où il vit caché. Chansons qui sortent de terre comme des fleurs. De l’ombre à la lumière. « Un album plus nombriliste qu’altruiste » affirme Renaud. Joli bouquet en tous cas ! Et qui s’ouvre comme malgré lui de nouveau sur le monde. De ‘Manhattan-Kaboul’ ( mélange subtile de deux voix si différentes et qui pourtant s’unissent à merveille ) à ‘Corsic’armes’ le jeune homme de la porte d’O témoigne d’un monde malade, barbare et cruel. Fatigué aussi sans doute par son manque de guérison, par ses spasmes à répétition qui polluent chaque jour un peu plus l’histoire de notre civilisation.

Au milieu de cette gravité ‘Mon nain de jardin’ apparaît comme une petite facétie, pied de nez qu’on retrouve dans presque tous ses albums.

Ce dernier album nous fait partager les affres de la vie, les désillusions. Mais le fusain peut bien encore noircir le trait, il y a au delà des larmes qui nous viennent cet écho d’espoir. La création et la poésie sont des refuges où l’on peut y passer la nuit ou la vie. Renaud, chante encore, écris-nous de belles histoires et fais de ta prose une nouvelle arme qui nous rende moins orphelin et nous aide aussi à exister…malgré tout.

Sébastien Inion
Carcassonne le 31 mai 2002