Portraits L'Illustré, le par ch.
Mis en ligne dans le kiosque le 14 mai 2000.

Je vis une sale période

BGCOLOR="#FFFFFF" LINK="#CC0000" VLINK="#003333" ALINK="#CC0000"> Webdo - L'Illustré No 47, 24 novembre 1999

RENAUD
«Je vis une sale période»
Il est désemparé, le poète des loubards. Voilà cinq ans qu'il n'a plus écrit une chanson et, comme si cela ne suffisait pas, son épouse Dominique l'a quitté après plus de vingt ans de vie commune. A l'issue de son concert à Yverdon, son unique prestation en Suisse, Renaud nous a confié son mal de vivre.

Par Blaise Calame, (avec la collaboration d'Arnaud Bédat), photos Claude Gluntz
24 novembre 1999

A Yverdon, les billets pour son concert se sont arrachés en une journée. Mais ses fans ont constaté avec émotion que la souffrance et l'alcool ont fait leur oeuvre: vieilli, ravagé, le chanteur se raccroche à son public et à ses potes musiciens comme à une bouée, sans rien cacher de son mal-être.

«J'ai eu des emmerdes... Ma nana s'est barrée, j'ai déconné: une vraie dépression», avoue Renaud d'une voix grave, le regard vitreux, lessivé après près de trois heures de concert. Un gobelet de pastis à la main, une cigarette au bec, il se laisse aller à quelques confidences, le dos appuyé contre la porte de sa loge.
Il l'admet sans détour, quelque chose s'est brisé en lui depuis que Dominique, sa princesse, sa muse et la mère de sa fille Lolita, l'a quitté après plus de vingt ans de vie commune. Le Renaud volontaire et mordant tombe le cuir, sans chercher à dissimuler son mal-être derrière ses cheveux paille qui lui couvrent les yeux. «Ça n'allait plus du tout. Je me suis remis à boire, poursuit-il le regard rivé sur ses bottes. Mon problème, c'est l'alcool. Je vis une sale période.»

Il y a un an encore, à 46 ans, Renaud avait toujours quelque chose de sa dégaine d'éternel adolescent. Le ressort du poète s'est cassé depuis.

Sa gonzesse l'a planté et le voyou au coeur tendre est parti en chute libre. «Il déconnait complètement, confirme son guitariste et ami de toujours, Jean-Pierre Bucolo. C'était n'importe quoi. Je suis allé le voir et je lui ai dit: «Maintenant tu choisis: soit tu continues de jouer au con à refaire le monde au bistrot, soit tu viens avec nous.»
Ses potes l'ont remis en selle pour une tournée d'essai à travers de petites villes. Un itinéraire de rodage en quelque sorte, marqué par une seule et unique date en Suisse, à Yverdon. Renaud a bien voulu nous faire quelques confidences, mais il réserve en principe ses états d'âme aux gens qui viennent l'écouter. «Je parle beaucoup sur scène, j'essaie de susciter des réactions. Ça vibre, ça grince, ça gronde: j'adore ça.»
Avant chaque concert, pourtant, le même trac, la même angoisse le gagne. «Je bois un pastis pour me donner du courage. Le Ricard, c'est mon péché mignon. Je ne connais pas de meilleur antistress que celui-là, même si, à partir de six, ça devient critique», avoue-t-il en désignant son gobelet vide. Une douzaine de privilégiés, parmi lesquels le Bel Hubert, sont venus trinquer avec l'artiste dans les sous-sols enfumés de la Marive. Le poète et chanteur jurassien joue les barmans.

«Comme sport, je fais bars parallèles»

Sur scène comme dans ses albums, Renaud a toujours fait partager l'amour qu'il porte aux siens. Il y a vingt ans, il célébrait l'entrée de Dominique dans sa vie avec Ma gonzesse. A Yverdon, il ne fait pas autre chose: «J'ai une princesse de 19 ans. J'aurais bien voulu avoir un fils, pour jouer au foot, boire des bières, des pastis et fumer des trucs bizarres de temps en temps, mais la vie en a décidé autrement.»
Renaud a besoin de parler à son public, de lui répondre aussi. Sur la scène de la Marive, mal à l'aise dans ses santiags, il lance: «Je suis toujours aussi maigre. Je mange peu, mais qu'est-ce que je bois!» Puis il insiste, en riant jaune: «J'ai arrêté la muscu. Maintenant, comme sport, je fais bars parallèles: je vais d'un coin à l'autre de la rue. Ou alors bars fixes!» Puis il entonne Manu dans un silence de cathédrale:

«J'croyais qu'un mec en cuir
Ça pouvait pas chialer
J'pensais même que souffrir
Ça pouvait pas t'arriver.
(...)
Eh, déconne pas Manu
Ça sert à rien la haine
Une gonzesse de perdue
C'est dix copains qui r'viennent.»

Une chanson déchirante et prémonitoire qu'il interprète sans fausse note, mais avec des bleus à l'âme. Manu, c'est lui, désormais... Durant près de trois heures, il se donne tout entier. Sans chanter toujours juste, mais le public s'en moque. «Je ne suis pas un chanteur à voix, genre Céline ou Fabian», fait-il remarquer.
Son dernier disque, A la belle de mai, date déjà de 1994. «J'essaie d'écrire des trucs, assure-t-il, j'essaie vraiment, mais ça ne vient pas.» Il a beau se poster pour écrire à la Closerie des Lilas, son resto fétiche à Paris, ça ne prend pas. «C'est assez angoissant, même si je sais que je pourrais continuer encore un bout avec ce que j'ai déjà», observe-t-il laconiquement. Renaud n'est plus le Gavroche de la chanson française. Laisse béton, c'était il y a vingt-deux ans! «J'ai 47 piges», avoue-t-il légèrement inquiet. Renaud n'aura jamais envie d'être un ancien chanteur. Il a besoin de se renouveler. Dans l'impasse, il souffre.

Les potes suisses à la rescousse

Devant l'entrée de service de la Marive, un carré de fans obstinés bravent la bise glaciale en quêtant un mot, un geste de leur idole. «Ils ne sont pas très nombreux, mais ils sont encore trop!» Renaud est d'une timidité maladive. Il s'éclipsera par une autre porte.
Le Bel Hubert amorce une énième tournée. «C'est mon fournisseur d'absinthe», plaisante Renaud en esquissant un sourire. En Suisse, le poète des loubards compte de vrais amis: Michel Bühler, Henri Dès dont les enfants sont venus l'écouter, et Sarcloret avec lequel on le disait brouillé. «Avec Sarclo, on s'est vu il y a un mois à Paris et on s'est expliqué, raconte-t-il. Ça s'est arrangé au Ricard, mais je lui ai quand même dit que son dernier album était de la merde...»
Cette fois, Renaud peine à finir son verre. «C'est la mort, ton truc!» lance-t-il au Bel Hubert qui ne bronche pas. Il évoque enfin Pierre Desproges, dont il a lui-même choisi la tombe au Père-Lachaise, «face à celle de Chopin». «On n'était qu'une vingtaine à son enterrement, se souvient-il, ému. J'espère bien que ça sera pareil pour moi, avec juste les gens que j'aime et surtout ni journalistes ni photographes.»

 

Un commentaire

de josette le 2 mai 2029

renaud ne te laisse plus deriver un poete tel que toi a certainement encore beaucoup a raconter meme si c'est sous un autre aspect .raccroches toi l.album est rempli d'amertume un autre renaud est ne il accouche ds la douleur et la souffrance mais c'est toujous l'esprit renaud je t'en prie renait de tes cendres et arrete ta morbidite une inconditionnelle jo

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(ne sera pas publié)