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Mis en ligne dans le kiosque le 27 juillet 2012.

Lors du Cinquième Congrès du Parti Communiste…

left Je ne vous ai jamais parlé de Renaud ? Non ? Ah bon... Il est vrai que lorsque je me hasarde à jeter un regard déjà nostalgique sur les quelques mois écoulés depuis la création de ce blog, force m'est de reconnaître que le cas Renaud n'a que trop rarement été évoqué. Et ça, vous me direz ma p'tite dame, et mon bon monsieur par la même occasion, c'est une honte. C'est même, comme qui dirait, un manque de respect flagrant et incompréhensible pour cet homme qui a, je peux le dire sans crainte de sombrer dans un pathos bas de gamme, changé ma vie.

Quand je parle de Renaud, je parle bien sûr du chanteur, pas du constructeur de voiture dont l'anagramme permet d'obtenir le prénom de votre serviteur... les plus doués en orthographe auront rectifié d'eux-mêmes.

Si je décide de prendre quelques minutes de mon temps pour parler de Docteur Renaud - je laisse Mister Renard aux tabloïdes - c'est que lui et moi avons un point commun. Eh oui ! Enfin je veux dire, un vrai point commun, parce que des faux, je pourrais vous en citer des dizaines... pardon ? Vous voulez des exemples de points communs entre Renaud et moi ? D'accord, mais c'est bien pour vous faire plaisir, je ne suis pas payé à la ligne moi.

Quelques points communs entre Renaud et moi... où comment votre serviteur profite de la situation par lui créée pour se redorer éhonteusement le blason.

1 - Renaud est français... moi aussi ! Et d'un.

2 - Renaud est amoureux de Paname... moi aussi, je l'ai été. Mais mon amour est parti se cacher pour mourir depuis que la ville lumière s'appelle Paris et que de son passé, elle a fait table rase. Loin Atget*, ses quartiers sordides près des fortifs, ses quais de Seine au petit matin gris, ses devantures surannées, ses pavés humides. Loin Doisneau et ses enfants qui courent les rues d'un air gavroche, guettant d'un regard malicieux le prochain caniveau qui voudra bien se faire rivière. Loin les bruits des quartiers populaires de mon enfance, les harangues des commerçantes du XXème : oyez ! oyez ! bonnes gens la voix énorme de l'aiguiseur de couteau, fier bonhomme à la verve pleine d'un parlé révolu. Loin Rouge-gorge. Loin les parisiens devenus aujourd'hui banlieusards...

3 - Renaud aime René Fallet... moi aussi. Mais c'est grâce à lui - écoutez ou réécoutez Mon amoureux sur l'album A la belle de mai et vous comprendrez - que cet écrivain si cher à mon c½ur est entré dans ma bibliothèque ; un jour, promis, je vous parlerai de René Fallet.

4 - Renaud aime Brassens... moi aussi. Et quand on sait que l'un des meilleurs amis de Georges Brassens n'était autre que René Fallet, on se dit que la vie est parfois bien faite, à condition de ne pas être Haïtien.

5 - Renaud a joué à l'Olympia... moi aussi, et c'est bien là où je voulais en venir, car vous n'êtes peut-être pas sans savoir, que dans quelques jours - pour ceux qui auront l'insigne honneur de lire ces lignes avant le 27 janvier - les Fatals Picards seront de retour dans la capitale, pour un deuxième Olympia, et que la simple vue de notre nom, en lieu et place du sien, me replonge quelques années en arrière...

*

J'avais dix ans le jour où je reçus en cadeau mon premier magnétophone à cassette, un Philips portable de couleur bronze, capable non seulement de lire des cassettes, mais aussi - Ô miracle de la technologie de l'époque - de les rembobiner avec une touchante célérité. Dès lors, je n'eus de cesse de passer mes jours et mes nuits, avec ce petit bijou que la modernité offrait à l'enfant émerveillé que j'étais alors.

Pour comble du bonheur, ledit poste m'avait été donné accompagné d'une cassette ; une seule et unique cassette, achetée par ma mère chez un disquaire du quartier, avec l'intuition géniale - mère je vous salue ici bien bas, vous êtes bénie entre toutes les femmes - que ces quelques minutes de musique allaient changer à tout jamais le cours de ma jeune existence.

Après avoir déchiré le film plastique, j'insérai fiévreusement la cassette dans le magnétophone, sans même jeter un coup d'½il à la pochette, trop pressé que j'étais pour m'attarder sur ce genre de détail. J'appuyai sur la touche Play - Lecture pour les moins anglophiles - et assis en tailleur, attendis fébrilement les premières notes...

Lors du cinquième Congrès du Parti Communiste, lorsque le cas Renaud fût évoqué devant les dirigeants, Léonid Brejnev déclara, je ne dirai qu'un mot : « Ta gueule !». Renaud lui répliqua aussitôt très finement : « La tienne avant la mienne ! ». Dès lors, la détente était compromise. En mai 1980, Renaud répondit dans la Pravda, par un article laconique, je cite : « C'est sûrement pas un disque d'or, ou un Olympia pour moi tout seul, qui me feront virer de bord, qui me feront fermer ma gueule !... et les premières notes de Où c'est qu'j'ai mis mon flingue ? de retentir dans cette chambre qui était alors la mienne.

Ô vous, jours anciens à jamais enfuis ! Que ne possédez-vous le secret pouvoir de ressusciter, ne serait-ce qu'un instant, le souvenir de ce bonheur qui fût le mien durant les semaines qui suivirent ; un bonheur solaire, lumineux, rehaussé par la très nette impression que j'avais mis la main sur un trésor d'une valeur inestimable - en découvrant quelques mois plus tard, chez un ami de la famille, la même cassette trônant sur une étagère du salon, je compris avec amertume que cette richesse ne m'était point réservée, et que d'autres connaîtraient de pareils instants.

Depuis ce jour, il ne s'est pas passé une semaine sans que ce disque ne retrouve le chemin de mon magnétophone, puis de ma mini-chaîne - celle que je m'étais offerte avec l'argent gagné à tondre la pelouse d'un mini-golf durant un long été normand - puis de mon lecteur CD, pour finir dans les méandres du disque-dur de mon ordinateur portable, m'offrant ainsi l'assurance que, quelque soit le lieu où mes musicales aventures me portent, je puisse écouter cette Olympia pour moi tout seul, album définitif pour tout amoureux de la chanson française qui se respecte.

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