Putain de boucan d'enfer
Sept ans et demi après « Belle de mai », Renaud a mis en boîte à Bruxelles « Boucan d'enfer », l'album miraculeux d'un Séchan revenu de loin. Le chanteur a accepté de nous donner de ses nouvelles en avant-première.
THIERRY COLJON
PARIS
La Closerie des Lilas, à Montparnasse, est la brasserie où Renaud, qui habite à deux pas, passe depuis longtemps ses petites heures malades à écluser sans fin. La pochette de « Boucan d'enfer », peinte par le marin voyageur (et champion de la course au large) Titouan Lamazou, le montre derrière sa table habituelle, face au bar, près du piano. C'est la table de Paul Eluard, André Gide, Jean Giraudoux... Toutes les tables portent la plaque de cuivre d'un écrivain décédé passé par là.
C'est là que Renaud nous a donné rendez-vous vendredi, répondant à une promesse faite il y a très longtemps (au plus mauvais moment en fait, quand sa Domino, la maman de Lolita, l'a quitté) de nous accorder un long entretien pour notre série « Grand témoin du siècle ».
Renaud est homme de parole et a accepté qu'avant la parution très attendue de son nouvel album on évoque avec lui ces années perdues, ces longues heures où il a touché le fond, ne pensant pas un jour revenir :
Ce qui m'est arrivé, des millions d'individus l'ont vécu. C'est ce qui a de plus banal, une séparation. Pour sortir du trou, j'ai utilisé une automédication pas tout à fait rationnelle et efficace : des antidépresseurs et le Ricard, ça ne fait pas très bon ménage.
Je me suis laissé entraîner au fond d'un trou en toute lucidité et toute conscience. Je n'avais plus envie de travailler et, surtout, je n'avais plus d'inspiration. Je ne savais plus ce que je voulais raconter aux gens. Je me suis dit : voilà, ma carrière est finie, puis je me laisse aller. Je me détruis à petit feu.
C'est en pleine gloire, après les succès de « Belle de mai » et de « Renaud chante Brassens » que tout s'est effondré. Au lendemain d'une tournée triomphale qui l'avait amené, en mai 1997, jusqu'en Allemagne et en Irlande.
Après deux ans de dépression, Renaud, histoire de se raccrocher à la vie plus que de se soigner, est parti avec « Une guitare et un piano » pour une tournée en petites salles qui, au total, a réuni 250.000 personnes...
... Tout en continuant à écluser plus que de raison alors que j'essayais, sur scène, de donner bonne figure. Mais on voyait physiquement que j'étais un peu bouffi d'alcool. Puis que j'avais la voix fatiguée par les excès d'alcool et de tabac. Heureusement, mon public est assez indulgent et ne s'attend pas de ma part à des performances vocales exceptionnelles.
Cette thérapie ne m'a pas beaucoup aidé, car, aussitôt la tournée terminée, j'ai replongé de plus belle. Pendant huit mois de nouveau...
Au bout de huit mois, j'ai recommencé à écrire, et, là, l'activité, aussi bien l'écriture que le studio, l'enregistrement que la frénésie autour de la sortie de l'album, ça me redonne l'énergie et la volonté de sortir de mon trou. Donc je suis redevenu un triste buveur d'eau. Je fume toujours autant, mais j'arrête à 50 ans.
Ce jour-là, le 11 mai prochain pour être précis, Renaud sera à Toronto sur le plateau de tournage du film « Crime spree », une comédie policière avec Gérard Depardieu, Johnny Hallyday et Harvey Keitel. Lolita, stagiaire sur la production, sera là pour surveiller son papounet.
Le soir, en dînant, il m'arrive encore de boire deux ou trois verres de vin ou deux bières en mangeant, mais, avant, j'attaquais à 11 h 30 le matin le Ricard. J'ai pas décidé de me faire moine non plus...
« Boucan d'enfer » (la plage titulaire dit : On r'connaît le bonheur, paraît-il, au bruit qu'il fait quand il s'en va (...) Le mien s'en est allé hier après vingt berges, de sous mon toit. Ça a fait un boucan d'enfer...) est un album prodigieux nous restituant le plus émouvant des Renaud, parlant de lui et de ses démons («Docteur Renaud, Mister Renard »), de son « Cœur perdu », des amoureux « Mal barrés », de « Mon bistrot préféré », de son envie de « Tout arrêter... »... avec un regard plus désabusé et taciturne que jamais sur la vie. Mais, fidèle à lui-même, Renaud aborde aussi l'actualité comme « Manhattan-Kaboul », un superbe duo avec Axelle Red, en plus de « Corsic'armes ».
Nous en reparlerons plus tard (1). Pour le moment, on peut juste dire que Renaud va bien. Qu'il publiera un livre, journal intime des années sombres à travers le regard des intimes de la Closerie et qu'en décembre il repart en une longue tournée qui passera par Forest-National et les festivals de l'été 2003...
Aminci par rapport aux Victoires de la musique 2001 qui avaient tant marqué, Renaud tient à nouveau la forme. Il vient de voter Mamère au premier tour et ira à la pêche à la ligne au second... Non, Renaud n'a pas changé...·
(1) Nous publierons la suite de ce long entretien, dans le MAD, à l'occasion de la sortie, le 18 mai, chez Virgin, de l'album « Boucan d'enfer ».
www.renaud-le-renard.com
© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2002
super, depuis le tps qu'on attend ça. Et en plus, renaud a la patate! que demander de plus, peut être un petit mot pour MA fille qui s'appelle aussi lolita a bientôt de te voir , renaud, compagnon de toutes les soirées où j'ai refait le monde, où j'ai redécouvert la vie, où j'ai pris des sacrées casquettes...
en bref, je pense à toi et te souhaite bon courage