Émissions Télérama, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 11 janvier 2003.

Renaud, le rouge et le noir

> Télérama du 14 Décembre 2002

Les nuits de France 3 - Renaud, le rouge et le noir

Documentaire sur France 3
mercredi 18 décembre 2002 de 01:35 à 03:40 (125 min)

Documentaire français d'Eric Guéret, coproduit par France 3, Program 33 et INA Entreprise (2002). Interview : Didier Varrod. Inédit.

Renaud n'a toujours pas vu le portrait auquel il s'est prêté sans poser et que diffuse ce soir France 3. Il se voit ces soirs-ci à travers un autre miroir : celui que lui tend le public qui remplit les salles de sa tournée. Triomphe en scène, après le triomphe de son dernier album, Boucan d'enfer, qui s'est arraché à plus d'un million et demi d'exemplaires. Est-ce réellement étonnant ? Dans le miroir que tend aussi Renaud au public de sa génération, celui-ci retrouve ses rides et ses blessures, ses bosses et ses creux, ses rêves enfuis, ses désirs enfouis. Comme le dit le chanteur, en préambule à ce gros plan : « C'est l'histoire d'un mec de 50 balais qui est un peu revenu de tout... En ça, beaucoup de gens se reconnaissent dans mes chansonnettes. »

« Le rouge et le noir » : il y a du Stendhal dans ce titre, mais aussi les couleurs de drapeaux qu'avant lui ont choisis d'autres membres de sa famille, mineurs du Nord, huguenots du Sud, prolétaires, enseignants. Les riches heures des archives ouvertes par l'INA rappellent quelques pages tumultueuses de l'histoire qui s'est écrite quand il était enfant, qu'il a écrite aussi, en actions, en chansons : la meurtrière manif de Charonne, dont ses parents revinrent en pleurant, Mai 68, Mitterrand président, la guerre en Bosnie... Parallèlement, les photos et les films de la famille Séchan montrent des bambins heureux, un cercle aimant, ouvert.

Comme dans le dispositif de Paul Amar sur Paris Première, Renaud commente certaines de ces images ou répond, face à la caméra, aux questions gommées au montage de Didier Varrod. Il pose un regard consterné sur sa première apparition à la télé, dans l'émission de Danièle Gilbert ; attendri, comme un père devant un fils, sur ce jeune lui-même donnant une leçon d'architecture marine. Il ne savait pas barrer, construisait quand même son bateau. Amoureux, heureux. Et puis... Du désamour, de sa passion paternelle, des amitiés, de la déprime, de l'alcool, de la colère et du désabusement politique, du bonheur d'écrire et de chanter, il parle sans fard, avec humour souvent, pudeur pourtant, même quand les mots disent le vif des blessures. Deux heures passent, qu'on ne voit pas passer. « J'espère fêter mes cinquante ans de chanson », se marre-t-il en conclusion, calculant après le « cut » final : « Ça me fera combien ? » Et nous, ça nous fait combien de grandes espérances et de petits compromis, de rages impuissantes et de combats à recommencer ? Au travers de ce portrait, d'une qualité rarissime, une génération se mesure du regard.

Anne-Marie Paquotte

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