Émissions L'Humanité, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 3 février 2002.

Chanteur énervant Renaud, chanteur attachant

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Article original

20 Octobre 2001 - TELEVISION

Chanteur énervant
Renaud, chanteur attachant

Sept ans que Renaud ne nous a pas concocté un ch'tit album. Paraît qu'il y travaille... pour 2018 ou 2030. Les premières chansons augurent du meilleur.

Les Refrains de la mémoire. La Cinquième, 17 heures.

" La souffrance, c'est très rassurant, ça n'arrive qu'aux vivants ", chantait Renaud dans Cent Ans. Sauf que quand elle vous dégringole dessus, c'est tout sauf drôle. Ce qui est arrivé à notre " chanteur énervant national ", il y a trois ans. Pour s'en remettre, il a écumé la France avec une série de concerts. Un an de tournée, presque 250 000 spectateurs, sans une once de promo télévisuelle ou médiatique. Juste des affiches avec " Un piano, une guitare... et Renaud ". Son apparition émue aux Victoires de la musique en février dernier, son silence radio ont alimenté les pires rumeurs, complaisamment relayées par une presse qui rêvait depuis des années de le " cartonner ".

Alors oui, il a vieilli, Renaud. Normal, à près de cinquante balais, de ne plus en paraître vingt. Lui-même s'est moqué dans l'album la Belle de mai, en 1994, du temps qui passe, du temps qui outrage : dans Cheveu blanc, il chantait " On a beau s'croire toujours adolescent / Pass'que nos gonzesses sont un peu miro / pass'que les miroirs sont très indulgents / et nos métastases toujours à zéro / le jour où t'hérite des cheveux de tes parents / T'as du mal à croire qu'à partir d'maintenant / les filles vont craquer sur tes tempes argent / surtout si déjà elles craquaient pas avant. " Alors oui, il s'est pris des coups dans la gueule, Renaud, ces derniers temps : sa Lolita grandit, sa " gonzesse ", sa " princesse " l'a quitté. Une vie d'homme, quoi. Des trucs qui arrivent à tout le monde, comme depuis le début de sa carrière : un pote qui se fait plaquer (Manu), l'attente puis l'arrivée d'un enfant (Pierrot, En cloque, Morgane de toi), des prises de position tranchées devant un monde qui tourne sur la tête (les Charognards, Son bleu, Fatigué, Triviale Poursuite...). C'est aussi ce qui nous émeut, toutes générations confondues, depuis vingt-cinq ans, chez lui : sa capacité à partir de son propre vécu, pour exprimer ses révoltes et ses tendresses. Privilège du poète : quand il parle de lui, il parle de l'humanité tout entière.

Idem pour les coups de sang, les révoltes du " chanteur énervant ". Elles ont suivi son parcours d'homme. Parfois très dures (ah Hexagone !) , elles ont toujours été nuancées d'une profonde compassion pour les " petits ", les " faibles ", les victimes du système. Même et surtout lorsqu'ils jouent les petits durs. Ainsi dans la Teigne : " Il avait pas connu ses vieux, / il était de l'Assistance, / Ce genre d'école pour rendre joyeux, / c'est pas exactement Byzance. / D'ailleurs on lisait dans ses yeux / qu'pour qu'y soit bien / fallait qu'on le craigne [...] " Une compassion sans pitié, comme un mélange de lucidité et de sensibilité. Des barricades de Mai 68, Renaud est passé à la rébellion contre le système, puis à une fascination pour Mitterrand, sans jamais se renier. Il s'est dit " fatigué de parler, fatigué de me taire / quand on blesse un enfant, quand on viole sa mère / quand la moitié du monde / en assassine un tiers ". Mais jamais il n'a " lâché ". " Je suis un révolté de naissance ", confiait-il à Marianne, en juillet 2000 (NDK : Renaud casse la baraque). S'il s'" expose moins " qu'à une certaine époque, il continue de " mener des combats qui (lui) tiennent à cour ".

Lors de sa tournée, Renaud a dévoilé deux titres de son dernier album, prévus pour " 2018 ou 2030 ". Ils s'intitulent Boucan d'enfer et Elle a vu le loup. La première sur sa rupture, la seconde destinée à sa Lolita, sur le dépucelage. Du grand, du très grand Renaud. Vivement 2030 !.

Caroline Constant.

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