Écrits par Renaud Charlie-Hebdo, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 26 août 2000.

TOI QUI M'A DONNE DES NOUILLES Lorsque je rentrais bredouille...

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Charlie Hebdo, le 03.07.96

TOI QUI M’A DONNE DES NOUILLES

Lorsque je rentrais bredouille…

Quand Dieu créa le monde, en l’an-je-sais-pas-avant Jésus-Christ, il peignit de toutes les couleurs les pays, les océans, les prairies, les montagnes, les rivières et les lacs. Son œuvre terminée, il réalisa qu’il restait une belle petite place pour un petit pays. Mais il n’avait plus de peinture. Alors, à l’endroit qui allait devenir la France, il posa sa palette.

Une fois encore, je viens de découvrir, au pays qui m’a vu naître, une nouvelle région qui m’a vu boire et qui, bien que située à quelques heures de route d’un peu partout en France, m’était aussi inconnue que le Belize ou le Tadjikistan. Honte à moi, je ne connaissais pas le Cantal ! Je viens d’y passer une petite semaine, j’avais, sur ses quatre mille kilomètres de rivières, rendez-vous avec quelques jolies truites qui m’ont, finalement, posé le lapin du siècle, je crois que je n’ai jamais rien vu d’aussi chouette. Outre que les plus belles couleurs de la palette y sont réunies, que c’est le département le moins pollué de France, que le FN y fait son score le plus bas de l’hexagone, les gens y sont l’illustration vivante de la chanson L’Auvergnat de Brassens : le croque-mort les emportera à travers ciel au Père éternel ! Da ma vie je n’ai jamais été reçu, accueilli, hébergé, nourri, abreuvé avec autant de générosité ni d’humanité. Facile, me dire-vous, chanteur populaire ça aide ! Et d’une je suis aussi chanteur ailleurs, et je sais faire la différence entre la gentillesse un peu artificielle qu’on déploie ici ou là pour la « vedette » et la véritable hospitalité, et de deux mon anonyme frangin David et ses potes qui vivent là-bas une partie de l’année sont reçus pareil.

Si un jour vous passez dans le Cantal, dans une toute petite ville qui s’appelle Riom-es-Montagnes, passez donc au café de La Halle embrasser Paulette de ma part. Un baiser sur son front ou sur ses cheveux blancs. Si vous allez un peu plus loin, si vous arrivez au village de Saint-Etienne-de-Chomeil, passez donc à l’hôtel du Mont-Redon embrasser pareil Mme Sylvia qui ne loue l’une ou l’autre de ses sept chambres à l’étranger de passage que s’il a une tête qui lui revient. Dites-lui que je la remercie encore d’avoir apprécié la mienne, que j’ai apprécié son cœur gros comme une maison et ses petits déjeuners aussi bons que ceux de notre enfance. Passez aussi voir Jeff et Marie-Françoise au resto Les Glycines, ils vous serviront, pour le prix d’un Mc Do, la meilleure viande de bœuf de toute l’Europe, leurs vaches, comme toutes celles du département, ne sont folles que de cette liberté qu’elles ont de brouter toute leur vie dans la prairie. Et si vous voulez des nouilles à la place (ou en plus) de l’aligot, demandez, y aura pas de problème… Si vous finissez au hameau de Fossanges, dites de ma part à Nicole et à Richard que la bouteille de pastis bue chez eux, ce n’était rien qu’un peu d’anis mais qu’en mon âme il brûle encore à la manière d’un grand soleil…

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