Écrits par Renaud Charlie-Hebdo, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 9 décembre 2000.

Bille en tête - Tuez un ours !

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Charlie Hebdo n°3 Bille en tête, du mercredi 15 juillet 1992

TUEZ UN OURS !

« Tuez un ours, sauvez une brebis ! » semble être la nouvelle devise des zélus béarnais partisans du tunnel du Somport et de la voie rapide en vallée d'Aspe. C'est du moins cette solution que préconisent implicitement la République des Pyrénées et le Figaro où, depuis quelques jours, de pathétiques journaleux à la botte des bétonneurs et du lobby routier nous content sur de pleines pages le désarroi des bergers devant les attaques de plus en plus fré- quentes du plantigrade sur les troupeaux. «  Aspe : la peur de l'ours », «  L'ours tueur déchire les Pyrénées »,« Aspe : l'ours chasse les bergers » . Réaction maladroite au concert du 8 juillet à Biarritz, « Six heures pour les ours » (une belle fête), ces articles ont au moins le mérite d'annoncer la couleur : le projet autoroutier en vallée d'Aspe, c'est la survie des troupeaux puisque c'est la fin de l'Ours. Etonnant aveu de la part de gens qui nous affirment depuis des mois que les mille camions qui, chaque jour, emprunteront la voie rapide coupant la vallée en deux ne constituent point une menace à la survie de la bête, des « ursoducs » ayant été prévus. Le député maire de Pau, André Labarrère, me le confirmait encore récemment : le Béarn est la seule région de France où vivent encore des ours ! Le Béarn aime l'ours, l'a toujours protégé et le protégera encore. Mais le développement économique passe avant, et vous m'excuserez, Monsieur Renaud, de préférer m'occuper des chômeurs avant de m'occuper des ours. Le Béarn (qui n'est d'ailleurs pas mis en cause) comptait 250 ours en 1930, Monsieur Dédé. Il en reste treize. Évitez donc à l'avenir, dans vos discours, d'utiliser démagogique ment la souffrance des gens, car vous vous « occupez » tellement bien de ces chômeurs et de ces ours qu'il y a de plus en plus des premiers et de moins en moins des seconds. Justice soit rendue néanmoins à la République des Pyrénées qui fut, avec SudOuest et quelques quotidiens régionaux, le seul journal à rendre compte de l'événement artistique, écologique et politique que constitua ce concert de Biarritz. Ne cherchez pas dans votre libé du lendemain la moindre ligne sur les 4 000 personnes qui, de 18 heures à 2 heures du mat', vinrent applaudir les artistes, acclamer Christian Laborde évoquant la détention de Jean-Philippe Casabonne, l'écrivain, manifester leur solidarité avec les Insoumis basques emprisonnés, crier No pasarán aux bulldozers des zélus valléicides et surtout, à travers leur soutien aux Ikastolak ( « école » en langue basque), manifester leur attachement à ce pays que le cadastre nie. Un qu'a, en revanche, perdu une bonne occasion de se taire c'est le Lalonde. Dans l'EDJ de cette semaine II nous gratifie d'un vibrant plaidoyer pour le transport combiné rail-route et balance sur le lobby des camions quelques vérités qu'il crut bon de taire lorsque, ministre de l'Environnement, II défendait le projet du tunnel du Somport et refusait la réhabilitation de la ligne ferroviaire Pau-Canfranc qui grâce au ferroutage, offrait une alternative à la voie rapide Je me demande si l'alternative à Brice Lalonde ne serait pas l'Ecologie. Jean-François Blanco, avocat de Casabonne, d'Eric Petetin (inculpé pour la vingt-septième fois ces jours-ci avec une quinzaine d'écolos allemands), d'Unaï Parot militant de l'ETA condamné à 851 ans de prison et régulièrement soumis à la torture), des Insoumis basques du groupe Patxa et de bien d'autres dossiers « chauds », a donc comparu devant le conseil de discipline de l'Ordre des avocats du barreau de Pau. Sa requête pour demander la publicité des débats rejetée une fois de plus (le secret imposé est et a toujours été la marque des tribunaux d'exception), Blanco a signifié à ses pairs qu'il ne leur reconnaissait pas le droit de le juger et a quitté l'audience avec ses vingt cinq défenseurs. Verdict le 13 juillet... Pendant que Jack Lang décorait Yannick Noah (des Arts et lettres, je pouffe...), la Société Générale, propriétaire des murs, décidait de raser l'Olympia. Des mauvaises langues murmurent qu'il eût été plus malin de décorer l'Olympia et de raser Noah... En attendant, les lecteurs de Charlie ont décidé de boycotter la Société Générale jusqu'à ce qu'elle renonce à son projet coquatrixide. Personnellement, j'ai déjà commencé : je les ai branchés sur Alain Minc pour gérer leur société. Généralement, sa pardonne

pas...

À la semaine prochaine.

RENAUD

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