Écrits par Renaud Charlie-Hebdo, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 14 décembre 2000.

COURRIER D'ÉLECTEUR

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Charlie Hebdo, le 17 mai 1995

 

« Renaud Envoyé spécial chez moi

COURRIER D’ELECTEUR

Faut pas confondre les girouettes avec les boussoles

 

C’est finalement très éclectique, le lectorat de Charlie. A la suite de ma déclaration d’intention de vote pour la Voynet, j’ai reçu un monceau de courrier : d’indécrottables staliniens qui m’ont reproché de pas soutenir le gentil Robert Hue (et j’avoue que l’envie m’en a effleuré…), beaucoup de trotskards qui m’affirment que c’est Laguillier qu’il fallait soutenir (pas eu envie une seconde…), des anars qui me rabâchent qu’il faut « voter bien / voter rien » (ça aussi, j’ai eu envie, comme chaque fois…), des socialos ou des « je-ne-sais-pas-quoi-mais-de-gauche » qui ne juraient que  Jospin au premier tour pour assurer utile, un max de rien-du-toutistes qui ont soutenu Arlette (comme mon chiraquien de bistrotier…), bref un paquet de critiques, souvent sympathiques, parfois insultantes. Débordé par mes activités artistico-mutualistes, je n’ai pas encore trouvé le temps de répondre à ce flot de contradicteurs et je m’en excuse humblement. Je vais néanmoins essayer de claquer le museau ici à quelques lecteurs qui m’ont vraiment pris la tête avec deux critiques qui sont revenues très souvent. La première : on se fout de savoir pour qui je vote, on est « assez grands pour se planter tout seuls ». Mon pote, t’as qu’à lire l’Equipe, les journalistes y soutiennent l’O.M. ou le P.S.G. (surtout le P.S.G. d’ailleurs, bande d’encatannés ! ), rarement un candidat à la présidentielle. J’ai la chance d’écrire dans un journal d’opinions, je donne la mienne. Comme tu donnes la tienne à tes potes au bistrot du coin. Pis, en dehors de Charlie, lorsqu’un journaliste me branche sur les élections, je m’imagine mal tenant un langage consensuel, évitant de me prononcer afin de ne pas risquer de perdre un éventuel « client » par un vote différent du sien, attitude prudente qu’adopte la grosse majorité de mes amis chanteurs. Certes, je serais plus à l’aise en soutenant un candidat qui défendrait le meilleur des idées de Hue, d’Arlette, de Voynet et de Jospin et surtout de Charlie Hebdo (et puis de Voltaire, Robespierre, Che Guevara et tant d’autres…) mais bon, il faut bien se contenter de ce qu’on nous propose, faire un choix dans la brochette de candidats qu’on nous offre… Sans illusions, avec juste pas mal de convictions, un peu d’affectif, un peu d’irrationnel.

La seconde : je change tout le temps d’avis, je suis , politiquement, une girouette. Ah ah ah ! Je rigole !  C’est pourtant pas l’avis de la droite… Pour elle je suis, au contraire, d’une rare ténacité : dans le meilleur des cas « un gauchiste », dans le pire « un bolchevique ». (Gauchiste, ça me va…) Lorsqu’un journal de droite observe mon parcours de « girouette », il constate un soutien à Mitterrand en 88 (tu soutenais Chirac, toi, ducon ? ) puis, si ma mémoire est bonne un soutien aux « Verts » en 93 et aujourd’hui. Où est l’incohérence ? On me pardonnera mes hésitations sur le référendum de Maastricht, je vous avoue que je sais toujours pas si j’ai bien fait de voter comme Philippe Val, démerdez-vous avec la honte d’avoir peut-être voté comme Le Pen. Quant aux européennes, je vais sûrement pas me laisser reprocher mon soutien à la liste « Régions et peuples solidaires » par des mecs qui ont peut-être voté Bernard Tapie.

C’est probablement plus « girouette » comme attitude que de voter socialo ou coco depuis vingt ans envers et contre tout, sûrement pas plus indigne que d’avoir, convictions écologistes obligent et par fidélité à René Dumont, voté depuis quinze ans pour des Lalonde ou des Waechter, sûrement pas plus irrationnel comme parcours qu’une fidélité sans faille à un P.C. qui n’en finit pas de se transformer mais reste farouchement pro-nucléaire.

Et puis, pour finir, je préfère être une girouette quine tourne que pour de chauds et violents vents de gauche plutôt qu’un panneau indicateur de direction, figé, rouillé, indéracinable et toujours persuadé que la route qu’il indique est la bonne…

RENAUD »

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