Écrits par Renaud Paroles & Musique, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 14 avril 2002.

A quoi sert la presse musicale ?

> Paroles et Musique n°28 d'avril 1990 Une

A quoi sert la presse musicale ?

“En gros, vous vous demandez pourquoi vous existez et comment vous pourriez exister mieux. Je n’ai pas de réponse à la seconde question (que je ne me pose pas), ni à la première (que je me pose aussi parfois...).
La presse musicale est un produit de consommation destiné à promouvoir ces autres produits de consommation que sont les disques, les concerts, et parfois même les artistes. Ses critiques sont forcément subjectives, ses interviews complaisantes, ses reportages superficiels et son prix élevé.
Pour ne parler que de Paroles et Musique (puisque c’est, je crois, le sujet qui nous intéresse), je ne vous cache pas que je regrette un peu l’ancienne formule. A vouloir traiter tous les genres musicaux, vous n’en traitez aucun à fond : les fans de rock ne s’y retrouvent pas et préféreront toujours Best ou Backstage ; les fans de hard, de new age, de jazz ou de musique classique achèteront des revues plus spécialisées ; quant aux amoureux de chansons vivantes, dont je fais partie, ils ne se retrouvent guère dans ces pages entières consacrées aux falsificateurs de tout poil qui s’autoproclament “phénomènes de société” parce qu’ils nous ont fait danser un été.
Les bidon, qui sont à Brassens ou à Cabrel ce que Pagny est à Sardou, ou Patricia Kaas à Edith Piaf, méritent-ils les mêmes critiques un peu trop nuancées (pression des maisons de disques aidant...) que vous leur adressez ? Ils ont leur journal, Top 50 Magazine. Parlez-nous plutôt de Sarcloret, qui est la plus belle invention suisse romande depuis l’invention du trou de gruyère ; de Ricet Barrier, qui a fait une télé en vingt ans de carrière ; de Font et Val, qui n’en ont jamais fait, sous aucun régime et sur aucune chaîne.
Vous avez, je pense, perdu le lectorat un peu intello de vos débuts (branché chanson à texte, même si parmi les chanteurs à texte, il y a bon nombre de casse-bonbons), et vous n’avez jamais attiré le lectorat de Rock & Folk, ni celui de Hit ou de Podium.
Le rachat de votre journal, il y a deux ans, par un groupe de presse, n’est pas étranger à cette dérive. Les couvertures aux titres racoleurs (Argent et showbiz, Sida et showbiz, Drogue et showbiz, etc.) ont pu donner un temps l’illusion aux marchands que vous seriez une “bonne affaire”. Il semble que l’on déchante aujourd’hui... Y’a qu’à appeler tapie.
Et puis je dois vous avouer une chose : je n’ai jamais fait de différence entre la presse musicale et la presse en général. A part qu’il est rare qu’un mensuel quelconque me consacre quinze pages comme l’a fait Paroles et Musique... Sinon, chaque journal (qu’il soit quotidien, hebdomadaire ou mensuel) a sa rubrique musique ou spectacle. Mes rapports avec les journalistes qui tiennent ces rubriques sont plutôt ordinaires. je refuse une interview, mon spectacle sera nul et mon disque médiocre ; je l’accepte, je suis le plus grand du monde. Je généralise un peu, tous n’ont pas cette attitude...
Rock & Folk, Actuel, Rolling Stone sont des journaux qui m’ont superbement ignoré depuis quinze ans, parfois égratigné. Je n’en ressens ni aigreur ni amertume, ayant définitivement admis que je n’aurai jamais le talent d’Alain Bashung ou Stephane Eicher (Dieu me tripote !).
Quant à la presse pour ados, elle a été très cool avec moi tant que j’ai accepté les reportages photos (en tournée, chez moi, en studio...). Du jour où j’en ai eu marre, les couvertures sont devenues plus rares.
Que vous dire de plus ? La disparition de Paroles et Musique ferait malgré tout autant de peine à l’auteur-compositeur que je suis un peu, que celle de Pêche Magazine au pêcheur que je suis beaucoup”

Renaud

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