Écrits par Renaud Charlie-Hebdo, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 23 janvier 2002.

Je sonne pas ! - Renaud a une gueule de quota

> Charlie-hebdo N°192 du 21 février 1996

Je sonne pas ! - Renaud a une gueule de quota

- Dis donc, Renaud, toi qui es du métier, c'est quoi cette histoire de quotas ? me demande un pote pas du métier.

- Heu... Je suis pas sûr d'avoir tout compris mais, en gros, c'est une loi qui oblige les radios à diffuser plus souvent de la chanson française. Afin de développer les carrières des jeunes talents et puis de relancer l'industrie du disque, ce qui incitera les producteurs à investir plus dans les artistes français...

- Ah, d'accord... C'est donc, pour les multinationales étrangères comme Virgin-EMI, WEA, Sony, BMG et Polygram qui font déjà plein de blé avec la production internationale, l'assurance d'en faire aussi un max avec la production hexagonale, non ?

- Heu... Pas seulement... bredouille-je, ça va obliger les FM à programmer des chanteurs qu'on n'entend jamais.

- Ah ouais ! C'est vrai que depuis quelque temps on entend beaucoup plus souvent Michel Fugain

-Attends... La loi vient juste d'être votée ! Il faut le temps que ça s'installe. Bientôt t'entendras Philippe sur NRJ, Alain Leprest sur SkyRock et Blue-Jean Society sur Fun Radio !

Mon pote a pas eu l'air convaincu et, pour tout dire, moi non plus. Faut vous dire que, réfractaire a priori aux lois protectionnistes quand on voit planer derrière elles l'ombre du chauvinisme, de la « défense » du bon goût franchouillard et de la chanson «bien de chez nous », je ne me sens pas particulièrement le mieux placé pour me faire l'avocat de cette nouvelle législation. Mais, bénéficiant d'une diffusion radio infiniment plus importante que bon nombre d'artistes méconnus aussi honorables que moi, je me vois mal tirer à boulets rouges sur ces quotas qui vont, j'ai la naïveté de le croire, leur offrir un créneau pour, au moins, faire entendre leurs œuvres, à défaut d'en vivre.

Rentrant chez moi, je m'en vais demander à ma Lolita ce qu'elle pense de ces fameux quotas, à l'affût d'une réponse naïve mais pleine de ce bon sens que l'on prête aux enfants dès qu'ils disent une bêtise joliment formulée. Elle est dans sa chambre, un œil sur ses devoirs, une oreille dans le dernier Tina Turner qui tourne sur sa platine laser. (Une enfant qui fut bercée par Brassens, Boby Lapointe et Charles Trenet... Vous voyez où ça mène ?...)

- Dis-moi, ma fille, toi qui subis la FM au moins chaque fois que tu mets un pied dans ma bagnole, tu trouves qu'il y a assez de chansons françaises sur les radios ?

- Y en a trop, tu veux dire ! Y devraient plutôt faire une loi qui interdit Michel Fugain !

- Mais, franchement, mon ange, que trouves-tu à ces Nirvana, Oasis et autres Cranberries ?

- Je trouve que ça sonne ! me répond-elle alors. La chanson française, j'aime bien de temps en temps, c'est joli, poétique, mais ça sonne pas, et pis c'est tout !

Je m'aventure alors à lui expliquer qu'au niveau du texte, dans sa grande majorité, la chanson anglo-saxonno-amerloque c'est nul à chier, la perfide me répond qu'à une dizaine d'auteurs près, les textes des chansons de chez nous c'est franchement de la daube aussi. « Tu préfères les textes de Céline Dion à ceux de Springsteen, toi ? » ajouta-t-elle avec un brin de malice...

Je sais toujours pas trop quoi penser de ces quotas mais je commence à croire qu'ils vont avoir du mal à tout arranger...

RENAUD

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