Écrits par Renaud Charlie-Hebdo, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 14 mars 2002.

Miroir, mon beau miroir... Dis-moi qui est le plus inculte en ce royaume...

> Charlie-hebdoN°196 - 20 mars 1996

Miroir, mon beau miroir...
Dis-moi qui est le plus inculte en ce royaume...

Un peu comme Cavanna aime bien, de temps en temps, se poser des colles sur des exercices de physique élémentaire (genre, pourquoi, chez l'homme, à poids égal, la couille de gauche est-elle toujours plus basse que celle de droite ?), moi je m'amuse parfois à m'inventer des sujets de bac philo. Dernièrement, je me suis imposé ce sujet-là: « Un pouvoir quelconque peut-il annuler des élections démocratiques sous prétexte que le résultat donne la victoire aux ennemis de la démocratie. » (Je pensais, vous l'aviez compris, à l'Algérie...) J'ai réfléchi pendant quelques semaines et, lorsque je me suis rendu ma copie, je me suis mis deux sur vingt; mention « pas terrible ». J'avais dû faire fausse route dès le départ puisque, à l'arrivée, je m'étais retrouvé dans le camp des ennemis de la démocratie sous prétexte que c'est elle qui a porté Hitler au pouvoir en 1933 et Le Pen bientôt ici.

Décidément, la philo c'est pas mon truc. Peut-être qu'après tout la physique me réussirai mieux ? Quoique... La dernière fois que je m'suis pris la tête avec elle ça m'a valu dix années de nuits blanches. Ma fille avait, en effet, cinq ans lorsqu'elle m'a demandé : « Comment ça se fait qu'on se voit dans un miroir ? » Amusez-vous, tiens ! Les yeux ouverts comme des soucoupes, combien de fois, à trois heures du matin, tournant en rond dans mon lit à la recherche d'une réponse introuvable, ai-je maudit, de ce miroir crétin, l'imbécile inventeur qui oublia de nous laisser le mode d'emploi qui va avec ? Tous les matins, même si elle ne disait rien, je sais que ma fille attendait sa réponse. Ce fut d'abord : « Heu, tu sais, ma chérie, pour ta question de l'autre jour, je vais pas tarder à trouver... » Puis : « Heu... mon ange, à propos de ta question d'il y a six ans, ça avance, je brûle...» Une nuit, je me souviens que j'avais été à deux doigts de trouver. Je m'étais dit que ça devait fonctionner un peu comme un appareil photo. Que ça devait être une question de lumière. Chaque particule de notre visage, chaque atome de matière, doit envoyer dans l'espace une onde lumineuse et lorsque celle-ci rencontre une matière réfléchissante, hop ! ça s'imprime, comme sur un négatif. Mais j'ai pas su m'expliquer pourquoi une matière était réfléchissante et pas une autre. Pourquoi on se voit dans l'eau sombre et la glace du lavabo et pas sur les rideaux du salon, le mur de la cave ou les poils du chien...

Aujourd'hui que ma fille passe autant de temps que sa mère devant les miroirs et les glaces en pied, je pense qu'elle s'accommode fort bien de leurs fonctions sans en comprendre le fonctionnement, mais ça m'énerve quand même un peu de pas avoir su lui expliquer pourquoi elle est si belle dans ces plaques de verre et pas dans la porte de sa chambre.

Je vais peut-être me trouver un sujet de bac gymnastique pour changer un peu, tiens... Le sport par écrit c'est quand même moins chiant qu'en plein air. Si ? Ah bon...

RENAUD

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