Écrits par Renaud Charlie-Hebdo, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 10 janvier 2001.

UNE HISTOIRE A LA CON

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Charlie Hebdo, le 21 avril 1993

 

« Renaud Polaroïd

UNE HISTOIRE A LA CON

 

En ce temps-là, le pays était envahi de cons. Des cons s’infiltraient partout, à tel point qu’il fallut bientôt prendre des mesures car les cons eux-mêmes souffraient du paquet de cons ambiant. On organisa des élections, de jeunes cons remplacèrent de vieux cons, une politique à la con fit place à une politique de cons, les conneries continuèrent et les cons prospérèrent de plus belle.

Un beau matin, dans ce pays de cons, arriva un jeune joueur de flûtiau qui se vanta, de-ci, de-là, de pouvoir, par le magie de son instrument, débarrasser les villes et les campagnes des cons pullulants. Le roi le fit mander en son palais, où le manant s’en vint bientôt.

-         Ainsi donc, lui dit le roi, tu prétends pouvoir libérer mon pays du poids des cons ? Comment coptes-tu t’y prendre, étranger ? Allons ! Explique-toi ! Et prends garde à mon courroux si tu t’es moqué de nous !

-         Fais moi confiance, ô mon roi, dans peu de temps ton pays sera un paradis et les cons ne te nuiront plus. Mais après cela, il faudra me couvrir d’or.

Le roi promit au troubadour tous les trésors de son royaume et tous les honneurs s’il parvenait à le délivrer du fléau. Peu de temps après, le jeune homme se mit au travail. Il commença par inventer la télévision. Un paquet de cons fut engagé pour y travailler, dès lors le simple fait d’éteindre son poste les fit disparaître. Un nombre impressionnant de cons restèrent plantés devant leurs téléviseurs, aussi, les salles de théâtre, les cinémas, les jardins et les musées devinrent fréquentables, les cons les ayant désertés. Mais il en restait encore beaucoup. De jeunes cons désœuvrés, sauvages, paumés. Le magicien leur offrit de la drogue, afin d’en faire de doux cons, dociles et dépendants, voire des cons morts. Le roi trouva l’idée fort bonne, inquiet qu’i était du danger permanent que représentait cette masse de cons inactifs, susceptibles à tout moment de tout détruire, de tout brûler en son si beau royaume. La masse de cons était cependant si énorme que le magicien décida de passer à la vitesse supérieure. Il inventa d’un seul coup la justice, la police et l’armée. Ces institutions rassemblèrent bientôt un volume de cons monumental. Des cons soumis à l’autorité du roi, des princes et des puissants de la cour. Des cons qui portaient maintenant un uniforme, qu’on pouvait ainsi distinguer facilement parmi les pas-cons et fuir au besoin.

Puis le jeune homme inventa les églises. Les cons s’y ruèrent ! Ils se mirent à adorer les dieux vicelards qui leur firent accepter avec bonheur leur condition de cons et leur promirent des jours meilleurs dans un au-delà un peu moins cons. Enfin, le magicien, en créant les clochers, eut l’idée lumineuse d’inventer les frontières et les drapeaux qui, bientôt, apportèrent les guerres, civiles, mondiales et autres, où les cons s’en allèrent par millions, la fleur au fusil, pour mourir joliment comme des cons, au service du roi, de Dieu ou de la patrie.

Le jeune joueur de flûtiau, estimant sa tâche achevée, s’en retourna au palais, où le roi l’attendait.

-         Et voilà, Sire, dit-il, ma mission est accomplie. Couvrez-moi d’or, maintenant.

-         Tu es allé trop loin, manant, répondit le monarque. Mon royaume était plus animé quand les cons le surpeuplaient, et la vie était plus drôle quand les cons s’exprimaient. je m’ennuie. Fais quelque chose, ou tu n’auras pas ton or…

Alors le magicien, d’un petit air de sa flûte enchantée, inventa d’un coup le football et ses supporters, Jacques Pradel et son public, la radio F.M. et son auditoire, Dorothée et ses fans, Sulitzer et ses lecteurs, B.H.L. et son chemisier, le commandant Cousteau et son bonnet, le courrier des lecteurs du Figaro et les pages culturelles de Libé.

Le roi fut bien content et couvrit d’or le petit Socialdem (car tel était son nom), lequel fut bien content aussi.

RENAUD »

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