Écrits par Renaud OK, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 12 juin 2000.

Renaud de A à Z

>

Articles parus dans « OK » « stars Magazine Spécial Renaud » (Juin 1986) pour la sortie de l’album « mistral gagnant ».

A

MOUR : Après diverses aventures et coups de foudre, j’ai connu le grand amour, le vrai ; c’était Dominique. C’est aussi le premier car le seul qui ait réussi. Elle est la seule femme que j’ai aimée suffisamment pour avoir envie de l’épouser et de lui faire des enfants. Nous nous sommes rencontrés en 76 à la Pizza du Marais, où je chantais ; c’était avant « laisse béton ». Elle jouait dans un café-théâtre voisin. Dès que je l’ai vue, j’ai dis « Celle-là, je la drague, je l’épouse, je lui fait un enfant et on vieillit ensemble ». Tout de suite, comme ça, en cinq minutes. Mais comme je suis très timide, il m’a fallu un mois de dîners en se tenant la main sous la table avant le premier baiser. Et encore, c’est elle qui a fait le premier pas, sinon on y serait encore !

B

UCCOLO : c’est avant tout un pote. Il n’a bossé avec moi qu‘une seule fois avant les trois chansons de l’album. C’était il y a deux ans , lors d’une tournée d’été : nous étions en vacances ensemble. J’avais ces textes sans musiques. Je lui ai demandé si cela pouvait l’inspirer. Ca se passe toujours ainsi avec moi, un peu par hasard. Je ne travaille pas sur commande. Je savais que c’était un bon compositeur. Pour l’instant, il est retourné avec Cabrel. Lui-même auteur-compositeur et a sorti un 45 tours. On ne fait plus de scène ensemble mais on continue à se voir.

C

HETRON : C’est un jeu de mots d’un goût discutable que j’aimais bien. Sur la pochette je suce mon pouce après avoir été mordu par un hameçon . Un pauvre mec de trente-trois balais qui suce son pouce, cela n’a rien de sauvage, ça ne fait peur à personne. Pour présenter ce disque, on a organisé un mini-suspens. D’abord, une paire de bottes, jambes arquées, et foulard accroché à la santiag, pour les fans ! Puis l’annonce du spectacle avec ma tronche. C’est l’agence Emotion qui s’occupe de tout cela. Ils ont fait Gainsbourg, Clerc, Souchon … J’ai la chetron sauvage, mais c’est pas méchant ; le thème : les méchants, c’est pas nous.

D

ROGUE : Pour « p’tite conne », on m’a dit « méfie-toi, c’est un remake ! ». C’est un cheval de bataille que j’enfourche souvent contre la dope. Deux chansons en dix ans, ce n’est pas trop. Il y a des mecs de mon âge qui crèvent de la drogue, d’autres qui s’enrichissent sur leur mort. C’est lamentable de voir une gonzesse de vingt-cinq berges, belle, comédienne à succès, mourir ainsi ; elle avait tout pour elle. C’est délicat car la raison de la mort de Pascale Ogier n’est pas claire, on n’est pas certain que ce soit une overdose mais c’est lié à cela. Un mec est venu me voir en me parlant d’elle, je savait qu’elle aimait mes chansons, ça m’a touché, mais je ne la connaissait pas. Je souhaite que cette chanson fasse prendre conscience à certains qu’il faut arrêter la dope.

E

THIOPIE : Quand Valérie Lagrange m’a demandé d’écrire la chanson, ça a été un coup de cœur. La musique de Langolff était tellement forte et populaire que j’ai écrit le texte en deux heures sans calculer que l’on vendrait deux millions de disques. Six mois plus tard, les côtés négatifs, les polémiques, et les jalousies que cela a engendrés dans le métier apparaissent : des paroles déplacées et des flots d’articles qui remettaient en cause ce genre d’action pour lutter contre la faim ; l’échec du concert en ce qui concerne la fréquentation du public. Pour moi, si un seul enfant était sauvé par le disque, cela justifiait tout, et je pense qu’avec trois milliards de centimes on a fait bien plus ! Bien entendu, il y a des lenteurs administratives, les militaires qui s’en foutent plein les poches. Je ne regrette rien, mais je ne suis pas non plus fier de cette action. Je ne veux pas de médaille, mais se faire insulter pour l’avoir fait, c’est trop ! On dit que les artistes ont pris du prestige à faire cela. Peut-être et tant pis ! Si mon prestige a fait bouffer des enfants, vive le prestige ! Comme dit Geldoff « No shame », y’a pas de honte !

F

AMILLE : Un père protestant, austère dans certains domaines, mais avec un esprit libéral, voire libertaire. Il vient d’une classe moyenne, d’une petite bourgeoisie du sud de la France. Proche du corps enseignant, il était attiré par les milieux artistiques. Ma mère est d’origine prolétarienne, athée, d’une famille du Nord, chtimi ! Mon père écoutait Brassens et Vivaldi, ma mère, Maurice Chevalier. J’ai été bercé par deux cultures et deux éducations.

F

ANS : Je n'ai pas trop de rapport avec mes fans. Je peux encore me balader dans la rue, aller au bistrot, faire mes courses à peu près tranquillement sans être assailli. Les gens sont tellement étonnés de me voir acheter un steak haché comme n'importe qui, qu'ils n'osent rien me dire et restent bouche bée. En revanche, j'ai l'occasion de rencontrer mes fans à la sortie des concerts. Nos rapports sont toujours rapides. Il est difficile de dire aux gens "je ne suis pas une star, j'suis un mec comme tout le monde". Il y a toujours l'image de vedette créée par les médias ! Dès que tu es en contact avec le public, tu brises une certaine magie. Tu descends du piédestal sur lequel ils t'ont mis, il y a même un peu d'agressivité. Au lieu d'avoir des rapports sains, c'est toujours un peu l'interview. Cela dit, le public c'est mon pote à moi ! Le mec cherche une identification à l'artiste de son choix. Quand je vois un mec de quinze ans qui se fait tatouer ma tronche sur le bras et qui, à cinquante ans, l'aura toujours, ça me fait peur. En revanche, quand je vois un mec avec un blouson de cuir noir et un foulard rouge sur sa moto tatouée d'un gros Renaud, ça me touche ; j'ai envie de lui taper sur l'épaule. Mais on ne fait pas ce métier sans être un peu mégalo, et sur scène, c'est une manière de dire : « regardez ce que je sais faire ».

F

ATIGUÉ : Une espèce de ras-le-bol généralisé. Une chanson où je me pose des questions sur l’utilité de lutter, que ce soit à travers des chansons, des meetings, des manifs, des prises de positions. Je me demande si un jour on ne va pas finir par baisser les bras. Il y a trop de choses qui m’écœurent dans ce bas monde ; du moindre fait divers sordide aux massacres de Sabra et Chatila …

G

REENPEACE :J’avais des potes parmi les dirigeants français. Au moment de l’appel au boycott de « Japan Air Line » pour lutter contre la chasse à la baleine des japonais, on s’est fait embarquer. En y participant, je leur permettais d’avoir plus d’échos dans les médias, et cela faisait longtemps que je n’avais pas mis les pieds dans un commissariat ! Je ne suis pas un militant farouche, mais je soutenais les luttes contre les déchets nucléaires, pour le respect de la vie et de l’espèce humaine. J’aime les actions spectaculaires de Greenpeace, sa non-violence. Mais quand mes potes se sont fait lourder par une autre équipe, j’ai compris que là-bas aussi, il y avait des luttes internes. Les défenseurs de la paix et de l’environnement connaissent les même magouilles que les partis politiques. Ça m’a gonflé. J’étais plus d’accord. Je ne veux plus être associé à un mouvement ou parti. Je défendrai avec mes petits moyens la planète. D’abord en inculquant à mon enfant le respect de la vie et de la nature. Comme disait Brassens, « Dès qu’on est plus de deux, on est une bande de cons ! ». On entend aujourd’hui l’opinion publique, poussée par les leaders de droite, demander la libération des époux Turanges … On parle de complicité dans un homicide involontaire, ça me rend vert … C’est un attentat terroriste. Je ne suis pas partisan de la prison, mais j’ai peur que l’on les libère avec des excuses. C’est vrai que, sous d’autres régimes, les services secrets étaient moins maladroits. Il y avait une sinistre efficacité. La droite ferait mieux de faire autant de raffut pour qu’on négocie enfin la libération de Kauffman.

H

OMOSEXUALITÉ : L’homosexualité n’est pas un problème pour moi. Je considère que les homosexuels sont des victimes de la connerie des gens. Quelque part, ils l’ont peut-être cherché, par le phénomène de la solitude. Je n’aime pas les caricatures de bonnes femmes. Les folles font marrer tout le monde et cela dévalorise l’homosexualité. Je ne peux pas oublier deux mille ans de culture judéo-chrétienne. Dans notre société, c’est un tabou, cela ne l’était pas dans l’antiquité grecque, mais eux lapidaient les gens. Je suis pour la liberté individuelle. Je ne suis pas d’accord avec Coluche qui, un jour à la télé, a présenté un chanteur habillé en bonne femme en disant « vous ne saviez pas qu’il en était ». C’est une attaque raciste . Attaquer un mec sur ces mœurs sexuelles, c’est comme l’attaquer sur sa religion. Plus jeune, cela m’arrivait souvent de me faire brancher par des mecs. Il y a une gêne, puis j’essaye de faire comprendre le plus pacifiquement possible que c’est perdu d’avance. En espérant ne pas avoir à utiliser d’autres arguments plus convaincants.

I

DOLE : Je suis un vieux fan de Springsteen. Je lui ai fait apporter ma guitare à son hôtel, avec un petit mot. Avant son spectacle, il m’a fait appeler pour me remercier, j’ai essayé de balbutier quelques mots, j’étais tellement ému. Je l’ai revu à Los Angeles ! C ‘est le meilleur !

I

NTERVIEW : Après les interviews, on regrette souvent ce que l’on a dit. On se demande comment tout cela va être retranscrit. On a été tellement souvent trahis par les journalistes qui ont délibérément ou non transformé nos propos en voulant les rendre plus concis, pour que cela tienne en une colonne … On finit donc par être échaudés. Ils finissent par te faire dire le contraire de ce que tu avais dis, en découpant une, deux, trois ou même quatre de tes affirmations. Et puis après, on se dit : « j’ai oublié de parler de tel truc, j’aurais dû tourner telle chose autrement … » Et fatalement, le public n’essaye pas de disséquer ce que l’on a pu dire. Il prend en bloc ce qui est écrit. Moi, lorsque je lis une interview de Julien Clerc ou de Gérard Lanvin (des gens que je connais bien), j’arrive à savoir à quel moment ils se sont fait piéger ou quand leurs propos ont été déformés. Je sais où le journaliste a taillé dans la phrase pour que cela soit plus court et soi-disant plus efficace. Et quelque fois, on se dit effectivement « c’est trop ».

J

EUNESSE : En 68, sans vouloir jouer les anciens combattants, on a fait une mini-révolution qui a changé et apporté des choses. La jeunesse d’aujourd’hui se mobilise pour N.R.J., pour avoir le droit d’entendre toute la journée sur sa radio Mickaël Jackson et Prince, tout en brouillant d’autres petites radios qui n’ont pas ses moyens. J’ai vraiment été excédé lorsque j’ai vu la différence de mobilisation, et à une semaine d’intervalle, pour Convergence 84 et la manif de N.R.J. Tout cela montre aussi que les jeunes n’ont peut-être pas envie de faire la révolution. Peut-être n’en ont-ils pas le courage, l’énergie. Ce n’est sûrement pas parce qu’ils sont plus fliqués… Quoique… (silence). Tout cela dépend de mon humeur. Des fois, je dirais que Balavoine avait raison et certains jours, j’aurais eu envie de lui dire : « Va vivre au Chili ou en Iran ou en Turquie … » Je crois quand même que notre démocratie est le moindre des maux. On vit dans un pays où il est possible d’ouvrir sa gueule…, même s’il persiste des abus policiers, administratifs, etc. C’est une chose contre laquelle je continuerai de m’insurger, mais aussi sur laquelle on peut discuter des plombes : la liberté d’expression existe-t-elle vraiment en France ? Pour qui ? bref, tout cela pour dire que, si les jeunes veulent lancer des pavés, ils le peuvent et qu’il ne faut surtout pas qu’un jour un argument comme « De quoi se plaignent-ils ? Ils n’ont qu’à aller voir à Moscou s’ils peuvent la ramener ! » puisse devenir celui d’une majorité de gens.

K

ÉPI : Je suis anti-flic à la manière Brassens. A part quelques faits divers où je trouve qu’ils ont une attitude un peu trop répressive, un peu trop haineuse, ils sont confrontés aussi parfois à des horreurs. Je suis anti-clérical de la même manière. Les flics, c’est le symbole de l’uniforme, de la répression mais je traverse toujours dans les clous pour ne pas avoir à parler avec un flic comme disait Brassens. C’est le meilleur moyen de vivre avec eux, vivre dans une espèce de semblant d’égalité.

K

ILO : Je suis maigre et j’ai des petits problèmes pour m’assumer : je me trouve mignon de face, mais épouvantable de profil, à vomir ! Je balise pour les poches sous les yeux. J’suis pas un canon : j’ai les jambes arquées. J’assume pas vraiment mon corps, c’est pour ça que ne je danse pas. Sur scène, je ne bouge pas. Je me cache derrière une guitare et un blouson de cuir, car je ne suis pas à l’aise.

L

ENORMAN : Après un échange de lettres insultantes, on s’est croisés avant le concert de la Courneuve en faisant semblant de ne pas se voir. Il y avait un public magique, qui avait marqué son enthousiasme formidable pour des artistes aussi différents que Dorothée, Carlos, Lalanne et Lavilliers, pendant sept heures dans le froid, avec des places trop chères. J’étais heureux d’être là ; de l’enthousiasme mêlé à une certaine amertume. En entamant le refrain de la chanson, je me suis tourné vers Lenorman, je lui ai tendu la main, car c’est trop con la haine ! On n’est pas des potes, mais on a tiré un trait sur une polémique stérile qui ne servait pas la cause éthiopienne. Je préfère embrasser Lenorman que de lui foutre mon poing sur la gueule. Si les gens s’aimaient et se pardonnaient, le monde serait moins sinistre.

L

OLITA : Mon second grand amour. Avec elle, j’ai senti que je n’étais plus libre, plus libre de rigoler et plus libre de mourir. « En cloque », c’était le mec devenu spectateur qui pensait n’être plus rien dans cette histoire. Je me sentais tout con, le jardinier qui a planté sa graine. Une frustration pendant le temps où le père passe au second plan. Dans « Pierrot », j’avais symboliquement décrit en cow-boy l’enfant que je voulais. Je voulais adopter un petit garçon, ma femme ne voulait pas, elle ne désire pas de second enfant pour l’instant. Dans mes chansons, j’aime raconter des histoires personnelles pour faire partager ma vie à mes potes, c’est à dire au public, mais je brode aussi pour le besoin de la chanson.

M

AI : Mai 68, c’est le grand déclic face à toutes les formes d’autorité : parentale, professorale et patronale. C’est aussi la fin de mes études. J’ai tenté une nouvelle seconde dans le 16ème, à Claude Bernard, mais c’était trop tard ! J’ai donc commencé à bosser en rapportant une partie de mon salaire chez moi, car mes parents n’auraient pas supporté que je reste sans rien foutre. J’me suis aussi payé une bécane. Puis mai 81. Dès que je dis dans un journal que je suis en désaccord avec telle action du gouvernement, sur le nucléaire ou la politique militaire, la droite récupère mes paroles pour dire : « Renaud est un déçu du socialisme ». Je n’ai jamais attendu de miracles d’un gouvernement socialiste, j’ai voté Mitterrand mais je n’ai jamais été socialiste. Si mon bulletin de vote n’a permis qu’à abolir la peine de mort, je ne le regretterai pas. Mais il a servi à d’autres choses. Ensuite, je ne veux pas hurler avec la droite, avec la réaction. Je ne veux pas être récupéré et être catalogué comme antisocialiste. J’ai le cœur à gauche et je l’aurai toujours. J’ai un mépris viscéral pour les hommes politiques de droite. J’ai de la tendresse pour ceux de gauche.

M

ISTRAL GAGNANT : Je vieillis, et c’est la première fois que je me penche sur mon passé. Je vois ma fille grandir. J’ai pris un coup de vieux. Dans dix ans, je serai nostalgique de mes vingt ans ; pour l’instant, je parle de mon enfance. Jusqu’à seize ans, c’était une enfance sans histoires dans une famille unie de six enfants. Jusqu’au lycée, j’étais bon élève. Après, j’ai découvert les gonzesses, les mobs, et les boums. C’est à ce moment-là que j’ai compris que je serai artiste. J’ai arrêté de bosser en sixième. Les Mistrals gagnants, c’était des bonbecs, du temps où j’étais petit ! Des petits sachets rouges ou verts avec une languette sur le bas qui se soulevait et sous laquelle était inscrit « gagné » ou « perdu ». Si c’était « gagné », tu avais le droit à un autre Mistral. Cette poudre glacée blanche, qui s’aspirait avec une paille en réglisse, coûtait vingt centimes. C’était notre dope à nous. Ça ressemble aujourd’hui à une petite nostalgie de mon enfance.

N

ASHVILLE : C’est vrai que je me suis foutu de la gueule de ceux qui allait enregistrer à Nashville, mais à l’époque, même Yvette Horner y courait ! Je pensais, et je pense toujours, qu’un mauvais disque, qu’il soit enregistré à Nashville ou à Paris, reste un mauvais disque. Il faut avant tout de bonnes chansons. Les mecs qui nous écoutent n’ont pas tous des chaînes compactes. Moi-même, je n’ai aucune oreille.

O

LYMPIA : Ce n’est pas un mauvais souvenir, il ne m’en reste rien. Cela correspondait à la sortie d’un disque pas vraiment sublime. La pub a été mal faite. La première semaine a été dure à démarrer, et puis… l’Olympia n’est pas une salle magique comme Bobino ou le Zénith.

P

OTES : Il y a ceux que j’ai depuis toujours, ceux que j’aurais perdu même si je n’avais pas fait chanteur..., et les nouveaux. Je suis pote avec Lambert (Tarzan) depuis peu ! On bouffe, on picole, on se voit souvent. L’amitié, c’est avant tout une complicité qui se crée. Mais je ne suis pas dupe : les vrais potes, je les compterai sur les doigts de la main le jour où je ne vendrai plus de disques. Quand je suis pote avec un mec, je suis aussi jaloux, exclusif et teigneux que je le suis avec ma gonzesse. C’est le même amour, la même fidélité exigée. J’exige beaucoup de mes potes, et je pense donner aussi beaucoup en retour.

P

EPETE : Cela m’ennuyait de faire mourir un personnage aussi haut en couleur, aussi nul et drôle à la fois. C’est un hommage à Bobby Lapointe au niveau de la plume. Une chanson absurde.

P

OPULAIRE : J’ai toujours cherché à être un chanteur populaire, sans tomber dans le populisme, la démagogie et la vulgarité. Si ça me permet en plus de passer mes idées et mes révoltes, c’est encore mieux. C’est le pouvoir de s’exprimer pour le plus grand nombre, c’est génial. Si être au Top 50, et chanter chez Guy Lux permet de faire passer des textes qui auraient été qualifiés de « subversifs », il y a quelques années, je trouve cela utile.

P

UTE : C’est vrai qu’on est tous un peu pute… mais aussi artiste, avec nos défauts, nos qualités, nos erreurs, nos putasseries parfois, notre sincérité souvent… L’important est de rester justement un artiste. Là il y en a de moins en moins… Lavilliers, malgré toutes ses erreurs, et tout ce que je n’aime pas chez lui, est un grand mec avec sa musique et sa poésie… Je pardonne aux mecs qui ont du talent. C’est pas facile de mener sa barque lorsque l’on est aimé de beaucoup et détesté de quelques uns.

Q

: Le cul, le sexe, c’est indispensable. Tant qu’on est sexuel, tout baigne.

 

R

EGIMENT :Cette fois, j’ai évoqué l’armée à travers « Trois matelots ». Dans cette chanson, j’ai voulu dire que chez les militaires, la connerie ne se situe pas dans l’uniforme, mais dans le pouvoir. Le texte s’en prend plus aux gradés. Si je suis anti-militariste, c’est d’abord contre ceux qui donnent des ordres. Cela m’étonne que tu aimes bien cette chanson. C’est aussi quasiment ma préférée, et pourtant celle que les gens placent en dernier. Je la trouve construite dans la lignée des chansons françaises à la Bruant : la chanson de marin, de corps de métier. Je l’ai écrite pour le plaisir que j’aurais à l’interpréter sur scène avec une mise en scène, des choristes…

S

TUDIO : Tu sais, je n’y connais rien en technique de studio ! Je vais là où on me dit que le son est bon, que le matos et les musiciens sont de qualité. Si en plus, lorsque tu sors, il y a du soleil et des palmiers…Et puis, Los Angeles est une ville marrante pour y vivre un mois…

S

UCCES : Chacun de mes disques a toujours mieux marché que le précédent, et à chaque fois je m’angoisse. Pour « Morgane », les scores étaient énormes. Je savais que l’on m’attendait au tournant. Si ce disque n’était pas au moins égal au précédant, je me faisais dégommer. J’ai beaucoup douté mais je suis finalement très fier de ce disque. En ne vendant que 800 000, le métier dira que Renaud ne vend plus de disques. C’est de bonne guerre. Au moment de l’enregistrement, je savais qu’il ne fallait décevoir personne : ni la maison de disque, ni le public ! Ce disque ne devait pas se planter. C’était une situation délicate qui m’a paniqué au moment de la création. J’ai écrit les chansons que j’avais envie d’écrire. J’ai dis ce que j’avais sur le cœur par rapport au monde, à l’actualité, à la violence. Il y a aussi des états d’âmes sur ma vie personnelle, privée. Quand j’écris, il faut d’abord que ça me plaise, puis je fais écouter à ma gonzesse et à mes potes !

T

OP 50 : Si on me prouve que c’est fait honnêtement, je trouve génial de constater que Bruce Springsteen puisse être suivi de Peter et Sloane. C’est intéressant. Et puis cela permet enfin de savoir qui vend et qui ne vend pas…, quelles sont les stars bidons, et surtout celles qui ne vivent que sur leur réputation ! Cela dit, j’ai fait dix ans de carrière sans Top 50, sans Top 20, et je m’en suis très bien passé.

T

HATCHER : « Miss Maggie » est une chanson que j’ai écrite d’une traite, suite au match de Bruxelles. On était en Guadeloupe, atterrés, écœurés, et en même temps fascinés par la violence. En chacun de nous sommeille un charognard. On a commencer à discuter de la folie des hommes, de leur connerie, et de la violence qui s’exprime par le bras de l’homme et non de la femme. C’est un hymne aux femmes, pour leur pacifisme et leur non-violence. Je voulais généraliser, mais ne pas inclure dans les tendres et les fragiles la « mère Thatcher », parce que je la déteste. En général, j’aime prendre un bouc émissaire dans mes chansons.

U

SA : Je ne savais pas trop où enregistrer ce disque. J’ai fait le tour des studios en France, puis en Europe, pour finalement retourner à Los Angeles. J’aime les palmiers, le soleil, et on ne change pas une équipe qui gagne. J’avais un bon ingénieur, de bons musiciens. La technique musicale est quelque chose qui ne m’a jamais passionné. J’ai passé un mois, pendant qu’ils faisaient les réglages, les sons d’instruments, à fumer cigarette sur cigarette dans l’air conditionné. Quand il a fallu que je chante, je n’avais plus de voix, plus de grain, plus de souffle. C’était l’horreur. On est donc revenu pour finir les voix et remixer.

Une carrière aux USA ?

C’est en vue (rires). On devrait faire avec quelques autres articles français, un ou plusieurs concerts à Central Park pour la fête de la musique. Mon envie qui va se concrétiser bientôt, est de faire un disque en anglais. J’aimerais sortir (si c’est possible, vu mon changement de maison de disques) une sorte de « Best-of » contenant des chansons que je considère comme les plus universelles de mon répertoire. Tout cela chanté en anglais avec l’accent de Maurice Chevalier ! Je m’en fous que cela paraisse ringard. Je persiste à croire (avec d’autres) que j’ai plus de chances que certains rockers français qui luttent sur le même terrain que les Anglo-Saxons et qui sont perdus d’avance. Le plus dur sera le travail d’adaptation. C’est aussi difficile que lorsque j’ai voulu adapter Springsteen. Je cherche d’ailleurs un adaptateur qui me permette d’être compris dans tous les pays anglophones …

V

IRGIN : En fait, ces histoires d’argent sont apparues après la sortie du disque, car j’ai signé au tout dernier moment. Ici, il y a plein de gonzesses, et tout ce que je peux te dire, c’est que je suis très heureux d’être chez Virgin ! Mais au début de la promotion, tout tournait autour de « Tu vaux combien ? Le contrat du siècle ? » Pourtant, il y a des brassages d’argent pour tout nouveau contrat de chanteur qui change de maison de disques. Ce n’est pas nouveau ! Pour moi, l’enjeu a été proportionnel à mes ventes de disques de ces deux dernières années. Mais avant de vendre un million, je vendais 400 0000 et 600 000 disques. Pendant dix ans, personne ne s’est soucié de mon contrat, que l’on pouvait qualifier de scandaleux, quand je gagnais deux francs par album ! Maintenant, j’en gagne dix en royalties, mais je suis producteur, je paie donc moi-même les frais de studio.

V

OCATION : J’ai choisi d’être chanteur par timidité. Au départ, j’écrivais des poèmes. Un jour, j’ai pris une guitare parce que je me suis rendu compte que mes textes chantés sur une musique passaient mieux. Si j’ai pris un stylo et si j’ai écrit vers quatorze - quinze ans des poèmes du genre « j’ai pas demandé à naître », « personne ne m’aime », « y’a t-il une vie avant la mort ? », c’est parce que je n’osais pas dire à mes parents, ni même à mes potes, mes angoisses. C’est mon père qui m’a donné le virus de l’écriture puisqu’il était écrivain. Je préférais exprimer mes états d’âmes sur mes cahiers d’école que dans la vie. Ce qui est bizarre pour moi, c’est que j’arrive à m’exprimer aujourd’hui devant 6000 personnes.

W

AITS : J’aime bien mais pas trop souvent. Faut vraiment avoir le blues pour écouter ça. J’aime bien le personnage, ça sent la bière et la déprime. Comme je disais sur scène, sur le seul blues que j’ai jamais chanté, « je sais, c’est chiant, mais c’est du blues ». Le blues, ça reste toujours assez chiant. Un album de blues, ça va, mais une carrière de blues…

Z

ÉNITH : Il fallait qu’une fois encore je frappe un grand coup. J’aurais voulu me produire dans un théâtre comme le cirque d’hiver, mais mon entourage m’a poussé à faire le Zénith ! On ne m’aura pas une troisième fois. Dans deux ans, je me produirais plus longtemps, mais dans un espace plus chaud et plus intime. Pour cela, j’écrirais une chanson douce avec une guitare et un accordéon, mais pas du rock n’roll ! Cette année, j’avais des chansons qui bastonnaient musicalement. Le Zénith est un lieu idéal. Avant de faire le Zénith, j’étais allé voir pas mal de spectacles. J’ai bien aimé les spectacles de Julien Clerc, France Gall, Cabrel, Higelin, Thiéfaine, des gens souvent plus pros que moi, musicalement. J’ai la réputation d’être un mauvais musicien. En revanche, je leur reproche de ne pas assez parler au public. Même si les « journaleux » me traitent de « Coluche du pauvre », il faut que je parle. Il est vrai que ma première vocation était d’être comédien. Je suis plus à l’aise en parlant qu’en chantant. Il est inutile d’aller voir un chanteur qui ne parle pas. Moi dans ce cas, je regarde la vidéo et j’achète le disque…

Propos recueillis par Marc THIRION
(avec la collaboration de Didier VARROD)

Aucun commentaire

Soyez le premier à commenter !


(ne sera pas publié)