Écrits par Renaud Charlie-Hebdo, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 13 février 2002.

VIVE « GERMINAL » ! BRAVO BERRI ! - Et maintenant, foutez moi la paix

> Charlie Hebdo n°66 - 29 septembre 1993

VIVE « GERMINAL » ! BRAVO BERRI ! - Et maintenant, foutez moi la paix.

HOP, LES JEUX SONT FAITS ! A l'heure où paraîtront ces lignes, mercredi, Germinal sera sur les écrans. La première séance, qui a valeur de sondage et détermine généralement le succès ou l'échec d'un film. aura eu lieu, ma fille, qui, refusant les « avant-premières », aura tenu, avec ses copines, à grossir les rangs de ce premier vrai public, sera revenue à la maison pour me dire son enthousiasme, pour, forcément, me confirmer la force et l'émotion de ce film magnifique que j'ai parfois défendu avec tellement de maladresse.

Maladresse de penser que tel journaliste verrait un intérêt à retranscrire mes propos sur l'importance politique, idéologique et historique de Germinal, sur la formidable entreprise collective portée par la passion, l'ambition, le courage et le cœur de Claude Berri, plutôt que de disserter sur quelques anecdotes de tournage à ses yeux bien plus spectaculaires. Maladresse d'avoir, à tel autre, tellement tait part de mes craintes sur mon incapacité à interpréter ce rôle avec un talent digne de la confiance qu'on me faisait, d'avoir tellement expliqué combien je fus dérouté par une direction d'acteurs particulièrement rigoureuse, moi qui ne suis pas acteur et moi qui ne fus jamais dirigé, d'avoir traduit cette déroute par des mots aussi excessifs que « étouffé » ou « surdirigé », d'avoir laissé entendre que les colères de Berri me « stressèrent » alors que je le fus surtout par ses sourires et ses encouragements, infiniment plus importants et tout aussi nombreux. La vérité est que ma maladresse essentielle fut peut-être inconsciente. Que, par manque de confiance en moi, de peur d'être jugé sévèrement, d'avoir à admettre que je pourrais décevoir Berri, j'ai voulu me prémunir d'avance d'un éventuel désaveu en lui faisant endosser la responsabilité totale de ma «prestation»...

Berri qui m'affirme, tous les jours que s'il avait à refaire Germinal il le referait avec moi, Berri qui pense déjà au prochain film que nous ferons ensemble et pour lequel je signerai les yeux fermés...

Ouvrez les vôtres, pas pour lire les conneries dites, reprises, amplifiées de-ci de-là par des médias en mal de sensationnel et d'anecdotes, mais pour voir Germinal avec un regard impartial et pour vous faire votre propre opinion en oubliant la mienne, forcément subjective.

Voilà, je voulais écrire ça, pas pour faire l'article, comme on dit, juste pour dire à Claude tout l'amour que j'ai pour lui et pour son travail. En espérant que cette vérité aura autant d'échos qu'en eurent les gros titres. La vérité est souvent écrite, plus discrètement, en tout petit...

RENAUD

P.-S. Pour « 7 sur 7 », j'aurais pu m'en tirer mieux ou moins bien, peu importe... On ne me retirera pas de l'idée qu'il y a quelque chose d'indécent à montrer ainsi son âme, comme une strip-teaseuse montre son cul.

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